lundi 11 novembre 2013

Une part de ciel, de Claudie Gallay

      Lorsque j'ai reçu ce livre pour les Matches de la rentrée littéraire Price Minister-Rakuten, je l'ai tout de suite trouvé très beau: le titre poétique, ainsi que la première de couverture, elle aussi éminemment  esthétique, et qui arrivait tout à fait à bon escient en ce début d'hiver. J'avais donc hâte de l'attaquer.




     
      Début décembre, Carole, la narratrice, revient dans ses terres natales: loin dans la montagne, au bout du monde semble-t-il, dans le massif de la Vanoise, où l'hiver est en train de s'installer. Elle a reçu une boule de neige de son père, réminiscence d'enfance et message implicite lui demandant de rentrer au bercail, tout comme ses frère et soeur: Philippe l'aîné, et Gaby la benjamine.

     Le livre est bâti comme le journal intime de Carole, où l'on voit les jours de décembre filer, le temps se suspendre et tomber doucement comme les flocons. Le rythme se ralentit, dans une atmosphère feutrée, glacée: on ressentirait presque l'ennui de la narratrice. Celle-ci est revenue pour voir un père souvent absent, toujours parti, et l'histoire est rythmée avec l'attente du paternel Curtil. La question est lancinante: Curtil sera-t-il là pour Noël? Quand Curtil va-t-il arriver? Combien de temps va-t-il falloir attendre Curtil?
    Carole semble obsédée par cette question au départ, sans réaliser qu'au fond, ce serait l'occasion de renouer des liens avec son frère et sa soeur. Car autant Philippe et Gaby se ressemblent, autant Carole est celle qui est partie de la vallée natale: celle qui pourtant ressasse le passé  alors qu'elle a sans doute essayé de le fuir.
      Le passé, c'est cet incendie de la maison familiale dans leur enfance: où un drame s'est noué et qui a encore des latences aujourd'hui.
       Or, Philippe et Gaby sont bien là, eux, et ils sont en demande d'attention. Chacun porte en lui une part de ciel que Carole va finir par découvrir. Cette part d'absolu qu'il n'est pas facile de révéler, même au sein d'une famille. Surtout au sein d'une famille.

       Je retiens de ce livre une atmosphère glacée au départ, un ennui enneigé, qui va peu à peu se réchauffer, au fil des jours d'attente de décembre. Cela m'a fait penser un peu à En attendant Godot, de Becket, cette attente dont on sait qu'elle n'est qu'un prétexte, et qui est absurde car l'essentiel n'est pas là. L'essentiel, c'est cette tendresse qui se voile pour mieux se révéler, comme l'artiste Christo dont la narratrice fait la traduction.
      On n'attend nous aussi que ça, comme Carole qui comprend ce qu'elle est venue chercher, mais tard: un coeur apaisé, un pardon évident, une tendresse fraternelle, un amour rassurant.

      Je retiens aussi la capacité de Gallay à établir des atmosphères de village du bout du monde, comme je l'avais d'ores et déjà apprécié dans Les Déferlantes. 
       Dans le Val-des-Seuls, la vie est difficile mais on ne se plaint pas: son frère bourru s'occupe de préserver leur patrimoine naturel et est on ne peut plus attentif et prévenant, sa soeur se débat avec son homme en prison et une fille qui n'est pas la sienne, mais n'émet jamais aucune plainte. Il y a aussi la Baronne qui ne vit que pour les chiens qu'elle a recueillis, le beau Jean qui laisse le coeur de Carole pantois et gelé, le vieux Sam qui tient le dernier commerce et prodigue ses souvenirs comme autant de conseils, le "bar à Francky" enfin, lieu névralgique, emblématique du village et de la narratrice: tiraillés entre le devoir et l'envie, rester ou partir, se révéler ou se bercer d'illusions.
   
      J'aurais juste voulu que les scènes de tendresse familiale soient plus nombreuses et interviennent plus vite. Car on a froid longtemps, si je puis dire. Sans tomber dans les bons sentiments, mais que cette chaleur de Noël soit manifeste. L'attente est longue et pesante, les journées rudes. On s'énerve nous aussi, comme les autres personnages, contre la narratrice qui s'enferme dans son égoïsme et ses obsessions. On en vient même à penser qu'on est comme enfermés avec elle dans ces boules de neige qu'on agite.
     
         Heureusement, le soleil d'hiver arrive à bon escient à la fin, pour faire fondre le passé et révéler tous les futurs possibles pour Carole, Philippe et Gaby.






samedi 12 octobre 2013

Stars of the stars, de Pénélope Bagieu et Joan Sfar, une bande dessinée attendue d'un duo inattendu


Quand j'ai appris que deux de mes illustrateurs préférés s'associaient pour créer une série de BD, j'ai sauté au plafond, j'étais transportée de bonheur. Et pour vous montrer à quel point je suis sincère dans mon admiration, en témoignent les liens vers les blogs respectifs de ces auteurs, mis dès la création du mien.


J'ai été intriguée par la couverture, qui pourtant me rappelle le cheval de bataille de la Pénélope Bagieu: la femme. En effet, tous les héros de Bagieu sont des héroïnes. Elle-même sur son blog (puis un petit renard depuis quelques temps qui la représente), Joséphine, Eloïse Pinson dans La page blanche, Zoé dans Cadavre exquis.

C'est un premier tome réussi, passé la surprise du scénario un tantinet farfelu (mais au fond, c'est pour ça qu'on aime Sfar).
En même temps, je n'ai pas été surprise de voir que de ce duo rock gloss et antipolitiquement correct, naissait une comédie interstellaire complètement déjantée.

Sfar s'est donc occupé du scénario, et Pénélope des dessins, mais Joan insiste sur l'échange permanent, et le fait qu'ils soient co-auteurs.

Il a toujours eu besoin de mêler le tragique et l'humour, et c'est bien ce que l'on retrouve ici.

L'histoire débute à New York, avec un concours de danse où 7 filles seulement seront sélectionnées. On se croirait dans Fame, et très vite on se dit qu'ils ne vont pas rester dans cette veine Disney bon enfant.

En effet: quelque part dans les étoiles, des extra-terrestres ont décidé de rayer la terre de la carte.
La terre, ils n'en ont cure, ce qui les intéresse, c'est la danse. C'est pour cela qu'ils ont décidé de sauver cinq danseuses et de les prendre avec eux. Ces cinq filles embarquées dans l'espace vont s'entretuer, dans une rivalité et une haine étonnantes (enfin pas tant que ça pour des filles)

Univers apocalyptique donc, d'où vont émerger des questions existentielles: une fois que la terre a explosé, as-tu encore envie de tuer tout le monde? Où se place ton ego? Que vaut ton identité religieuse, géographique quand il n'y a plus rien?
On découvre que ces sept filles viennent d'horizons très différents, comme si chacune représentait un échantillon de l'humanité. Il y a Angoissette, juive de Brooklyn, sorte de Woody Allen au féminin qui se pose rapidement une tonne de questions existentielles dans le cosmos. Il y a Maurice, noire française, brut de décoffrage et de tatouages. Elles sont tellement atypiques qu'elles vont être un tantinet solidaires (et c'est leur maximum): ces filles intersidérantes ne rentrent dans aucun critère, elles n'ont d'ailleurs aucune envie d'être là. Et d'ailleurs c'est un hasard si elles sont restées dans l'école car elles n'ont pas été retenues pour le concours.



Angoissette est la seule à demeurer lucide sur l'absurdité de la situation. A quoi sert une religion, à quoi sert un attachement à un pays, quand tout a été anéanti?

La BD se prête très bien à ce message tragicomique. Sfar veut évoquer le réveil identitaire actuel dangereux, la montée des extrêmes, et montrer qu'au fond toutes ces identités communautaires nous emmerdent.


Alors on danse...

dimanche 29 septembre 2013

La vérité sur l'Affaire Harry Quebert, de Joël Dicker, LE thriller du moment maîtrisé et remarquable.

Je guettais ce pavé depuis un moment et j'entendais quelques échos fameux qui  augmentèrent considérablement mon intérêt pour lui.  Quand je l'eus enfin entre les mains, il ne me quitta plus.

Que dire? Je suis d'abord impressionnée par la maîtrise de ce jeune auteur (un an de moins que moi!) qui a séjourné aux Etats -Unis et place donc son histoire dans le New Hampshire.
C'est un roman à tiroirs qui navigue entre l'Amérique des années 70 et celle de l'Election d'Obama, 2008. C'est une mise en abyme de l'écriture, un écrivain qui raconte l'histoire d'un écrivain en mal d'inspiration: jusqu'à la toute fin, au moment des remerciements,  il y a une confusion entre auteur et narrateur. C'est une réflexion sur la littérature, les travers de la société moderne, le milieu de l'édition, la justice, les médias. La construction du livre est remarquable, tant par l'imbrication des intrigues, les flashs backs, et les souvenirs placés à bon escient, que par le suspense captivant jusqu'au dernier chapitre.

J'ai adoré voyager aux Etats Unis avec Marcus Goldman, et je suis tout à fait d'accord avec ce que dit son "maître" Harry Quebert: "Un bon livre est un livre que l'on regrette d'avoir terminé."
J'aimerais beaucoup replonger dans le livre, et qu'il n'ait pas de fin. Pourtant, c'est contradictoire, car en tant que thriller, on attend avec impatience d'avoir le nom du coupable, et le mot de la fin.
Ca y est, je sais. Mais je suis triste d'avoir fini.
Refaites-nous un bon roman, Monsieur Dicker...




Marcus Goldman est le nouvel écrivain à la mode  à New York, qui surfe sur le succès de son premier livre. Mais voilà, depuis il n'a plus rien écrit. Le deuxième chef- d'oeuvre tant attendu ne sort pas de son esprit. La magie n'existe plus. Pressé par son éditeur et le délai imparti, il choisit de se rendre chez son ancien prof d'université, maître à penser et ami: Harry Quebert.
Dans la magnifique maison du maître, il est persuadé qu'il va retrouver sérénité et inspiration. Mais tout bascule en quelques jours: on déterre le cadavre d'une jeune fille de quinze ans, Nola Kellergan, dans le jardin de Quebert: il se trouve que c'était son amante en 1975, quand Quebert en avait trente...
Le passé revient en foule, et voilà le maître arrêté et incarcéré.
Convaincu de l'innocence de son ami, Marcus entreprend de mener l'enquête et d'écrire un livre pour rétablir la vérité. Mais rien ne se passe comme prévu, et Marcus va de surprise en surprise.
Nous aussi.

" Un bon livre, Marcus, ne se mesure pas à ses derniers mots uniquement, mais à l'effet collectif de tous les mots qui les ont précédés. Environ une demi-seconde après avoir terminé votre livre, après en avoir lu le dernier mot, le lecteur doit se sentir envahi d'un sentiment puissant; pendant un instant, il ne doit plus penser qu'à tout ce qu'il vient de lire, regarder la couverture et sourire avec une pointe de tristesse parce que tous les personnages vont lui manquer. Un bon livre, Marcus, est un livre que l'on regrette d'avoir terminé."


(Soupir)



mardi 3 septembre 2013

Le magasin des suicides, de Jean Teulé, une tragi-comédie douce-amère

Le titre ne m'attirait pas plus que cela, mais je me rappelais qu'un dessin animé avait été adapté à partir du roman par Patrice Leconte: il devait donc comporter une certaine dose d'humour.
En effet, je n'ai pas été déçue: le cynisme bat son plein! En témoigne le slogan du magasin:" Vous avez raté votre vie? Avec nous, vous réussirez votre mort!"



Nous sommes dans un monde où la dépression est monnaie courante, et chez les Tuvache depuis des générations, on commercialise tous les accessoires possibles et inimaginables pour réussir son suicide. Toute la famille se complaît dans le lugubre jusqu'au jour fatidique où naît le petit dernier... le sourire au lèvres. Comment diable prospérer avec une telle joie de vivre? Rien ne va plus.... 



"Vous ne le regretterez pas. Ah! je suis bête, j'allais vous dire: "Vous m'en direz des nouvelles." C'est cet enfant qui me rend folle! maugrée Lucrèce en tendant le menton vers Alan, debout, les pieds joints et mains sur la tête devant l'angle du rayonnage des cordes. Vous avez des enfants, madame?
- Justement, j'en avais un... Il est venu un jour vous acheter une balle de 22 long rifle.
- Ah.
- Il voyait tout en noir. Je n'ai jamais su le rendre heureux.
- Eh bien, nous, on ne peut pas en dire autant de notre dernier... se désole Mme Tuvache. Lui voit la vie en rose, vous vous rendez compte? Comme s'il y avait de quoi! On ne sait pas comment ça se fait. Et pourtant, je vous assure qu'on l'a élevé comme les deux autres qui sont dépressifs comme il se doit, alors que lui remarque toujours le bon côté des choses, soupire Lucrèce."


C'est drôle et bon enfant, l'humour noir est souvent contrebalancé avec le rayon de soleil qu'est le personnage d'Alan. C'est aigre-doux, c'est sucré-salé, on sent que l'auteur s'est amusé, et a balancé noirceur et arc- en- ciel tout ensemble avec sa plume. 
J'ai hâte de voir l'adaptation en film d'animation!

dimanche 1 septembre 2013

La femme au miroir, d' Eric-Emmanuel Schmitt

    Comme souvent chez l'auteur, on saisit la cohérence du livre et des personnages au fur et à mesure du roman. Cela aurait pu être trois nouvelles,  c'est une seule et même histoire.

     Trois femmes: Anne vit à Bruges au temps de la Renaissance, prête à épouser un homme qui l'indiffère, préférant regarder voleter un papillon et sentir vibrer le monde plutôt que de se concentrer sur les essayages de sa robe nuptiale.
                           Hanna vit dans la Vienne impériale de Sigmund Freud, s'est marié avec un époux idéal, bon parti, doux et attentionné. On attend d'elle un héritier.
                           Anny vit à Hollywood de nos jours. Actrice adulée, elle se plonge dans la drogue et l'alcool pour rêver d'une autre vie.



Très vite, avec l'onomastique (Anne, Hanna, Anny), on songe que c'est une seule et même femme. Puis on comprend que c'est plus profond que cela. Les liens se tissent, le fil de l'intrigue se dénoue.
Elles se ressemblent tellement! Elles sont à part dans leur époque, incomprises de leurs contemporains.
Elles se perdent, se cherchent, refusent le rôle que leur imposent les hommes: elles veulent être maîtresses de leur destinée.
Quelle femme ne s'est pas tenue devant un miroir en se demandant: "Qui suis-je?", "Pourquoi suis-je au monde?"

" Sitôt qu'elle rentrait au coeur d'une méditation, en fixant l'azur, en observant les poissons, en suivant le voyage des oiseaux, ce n'était ni les uns ni les autres qu'elle voyait, mais l'énergie qui les sous-tendait, la joie qui amenait la vie, l'ivresse de la création. Sous le bienfaisant tilleul, elle quittait tout: elle d'abord, le monde matériel ensuite, puis, au pic brûlant de l'expérience, elle échappait aux mots, aux idées, aux concepts. Ne demeurait que ce qu'elle ressentait. Elle avait l'impression de se dissoudre dans la lumière infinie qui tramait la toile du cosmos."

La dernière conquête du Major Pettigrew, de Helen Simonson


 Le Major Ernest Pettigrew tient à peu de choses dans la vie: l'heure du thé, les deux fusils paternels, et ses chers Rudyard Kipling. A Edgecombe Saint Mary, il incarne le parfait gentleman qui ne déroge à aucun principe, et ne manquerait pour rien au monde les rendez-vous avec ses amis du club de golf.
           Dans ce charmant village de Royal Sussex, les femmes cancanent, virevoltent et vitupèrent, les hommes subissent, et fuient à la chasse. Veuf, retraité et délaissé par un fils dévoré par l'ambition et le pouvoir de la City, le Major est libre et coule des jours identiques, dictés par la bienséance.
           Mais voilà que l'amour s'en mêle, sous les traits de Mme Ali, l'épicière d'origine pakistanaise.
Sir Ernest se retrouve avec une quantité phénoménale de thé et de lait, ne sachant comment aborder autrement la douce. Après avoir engagé tant de conquêtes, le soldat recule! Osera-t-il mener à bien cette dernière, contre les convenances, la vox populi et... lui-même?



On plonge avec plaisir dans cette campagne anglaise, cet univers so british, et  délicieusement suranné. On rit de voir ces ladies et gentlemen confronter leurs us et coutumes folkloriques avec notre époque.
Une plume alerte, drôle et acérée, qui retrace tout le charme désuet du royaume de Sa Majesté.

"Mardi, étant à court de lait, il évita la boutique et roula plutôt jusqu'à la station-service dans le réfrigérateur à côté d'un présentoir de bidons d'huile. Quand Alec l'appela au sujet du golf de jeudi, il tenta de se faire porter pâle en se plaignant d'un début de migraine.(...)
- Si vous redoutez de tomber sur le comité des dames du bal, moi, je ne m'inquiéterais pas trop. Daisy a expédié Alma à Londres pour aller voir des costumes; j'ai dit à Alma qui si elle me dégote autre chose de plus qu'un casque colonial, je fais appel à mes avocats."
   Le major se laissa convaincre. Au diable les femmes, de toute manière, songea-t-il en allant chercher son sac de golf. Comme il était préférable de se consacrer à ses amitiés masculines, qui constituait le fondement d'une vie paisible."

lundi 19 août 2013

Les deux messieurs de Bruxelles, d'Eric-Emmanuel Schmitt, un recueil de nouvelles sur l'amour et la mort

Cinq nouvelles: Les deux messieurs de Bruxelles, Le chien, Ménage à trois, Un coeur sous la cendre, et L'enfant fantôme, suivies du Journal d'écriture de l'auteur, des pages fort intéressantes dans lesquelles il explique qu'il trouve la cohérence de ses textes a posteriori.



Ici la cohérence, c'est le ménage à trois. "En amour, on croit être deux alors qu'on est trois." Schmitt parle d'humanité, de la complexité des sentiments, de l'invisible, et de la souffrance, que notre société refuse. Souffrance de ne pouvoir avoir d'enfants, souffrance de pardonner après avoir connu Auschwitz, souffrance de ne pas avoir été reconnu de son vivant, souffrance de voir le coeur de son fils transplanté sur un autre, souffrance d'avoir avorté tous les possibles d'une vie.

Et au bout de la souffrance, il y a l'amour, sous toutes ses formes. Toute vie vaut la peine d'être vécue.


" Laurent reprit son souffle.
- Je suis sûr que si tu avais eu un fils, il aurait eu les traits de David.
Cet instant-là, Jean mesura la passion que lui portait son amant. Ils demeurèrent longtemps, les doigts mêlés, la nuque relâchée sur les appuie-tête, le regard brouillé. Dans leur émotion, il y avait la force de l'affection qui les emplissait, mais aussi la frustration, l'intense et abyssal regret de n'avoir pas d'enfants.
- Ca te manque tant que ça? murmura Jean.
- Un enfant?
- Oui...
-Ce qui me manque, c'est un petit toi, un toi miniature, un Jean de poche qui aurait besoin de moi, que je pourrais chérir sans réserve, sans rien t'enlever non plus. Je peux aimer davantage, tu sais, j'ai du matériel dans l'arrière-boutique."

samedi 17 août 2013

A l'encre russe, de Tatiana de Rosnay, une réflexion sur l'identité et l'écriture, un roman mystérieux sur le secret

Premier roman de Mme de Rosnay que je lis enfin, A l'encre russe m'a captivée. Mise en abîme de l'écriture, c'est l'histoire d'un écrivain à succès en mal d'inspiration, qui s'échappe dans un endroit paradisiaque en Italie, et où précisément tout ce qu'il avait fui va le rattraper. Un secret sur son père, disparu en mer, a émergé, et c'est grâce à l'enquête qu'il va mener qu'est né le livre à succès. Mais il y a d'autres secrets, et l'on attend comme lui les réponses. La fin est énigmatique.
Toute création nécessite-elle de la souffrance à l'origine?



"Tu écoutais. Tu étais là. C'est fini. Maintenant, tu es une créature médiatique que tout le monde s'arrache. Jamais tu n'avais été superficiel. Maintenant, tu te regardes dans les vitrines, bon sang. Chaque fois que tu sors, même dans un supermarché, tu espères être reconnu. Tu te cherches sur Google toute la journée. Tu passes des heures à lire des posts sur ta page Facebook. Tu as l'air de croire qu'il est plus important de suivre Nicolas Kolt sur Twitter que de me parler, à moi, à ma fille ou à ta pauvre mère. (...) Peut-être que tu vas finir par ouvrir les yeux et voir ce que tu es en train de devenir. La vie n'est pas une grande tournée littéraire, Nicolas."


La liste de mes envies, de Grégoire Delacourt ou comment comprendre que l'argent ne fait vraiment pas le bonheur, mais alors, pas du tout.

C'est la mode de faire des listes. tous les magazines féminins nous le conseillent, afin que nous apprenions à jouir du moment présent: la liste de mes réussites, la liste de mes projets, la liste de mes voyages, la liste de mes envies. L'envie. Elle dirige le monde. Elle nous fait lever le matin. Elle nous garde les yeux dans le vague, elle nous fait sourire béatement.



Jocelyne Guerbette, mercière à Arras, a épousé Jocelyn Guerbette, et mène une petite vie simple et tranquille. Quelle probabilité y avait-il pour qu'elle épouse un Jocelyn? Quelle probabilité pour qu'elle puisse s'offrir un jour tout ce dont elle rêve, et quitte enfin son existence étriquée et ennuyeuse?

Cela se lit vite, cela se lit bien. On suit la narratrice dans ses doutes et ses craintes, on s'énerve de son manque d'ambition, de folie, de confiance en elle. Qu'attend-elle pour quitter ce gros porc? C'est l'anti-héroïne par excellence, on la voudrait flamboyante, elle est peureuse et effacée. Elle-même se rêve Ariane Deume, mais elle n'est ni belle, ni n'a de seigneur. On pressent le drame, et c'est là qu'elle se révèle.
A force de vouloir tout gagner, peut-on tout perdre?

"Le bonheur coûte moins de quarante euros. Pendant les cinquante minutes du trajet, je somnole dans l'air feutré du TGV. Je me demande si Romain et Nadine ne manquent de rien maintenant que je peux tout leur offrir. (...) Mais cela rattrape-t-il le temps que nous n'avons pas passé ensemble? Les vacances loin les uns des autres, les manques, les heures de solitude et de froid? Les peurs?
L'argent réduit-il les distances, rapproche-t-il les gens?"
(...)
"Je possède juste la tentation. Une autre vie possible. Une nouvelle maison. Une nouvelle télévision. Plein de choses nouvelles.
Mais rien de différent."

Teddy est revenu, de Gilbert Gallerne, un thriller français haletant

 Détrompez-vous, ce n'est pas un roman pour ados, mais bel et bien un thriller à suspens, avec la nature humaine dévoilée dans ses vices les plus vils. 
Lorsque j'ai rencontré Gilbert Gallerne aux Pontons Flingueurs (si, si!) pour Les Salauds du lac, il m'a tout de suite parlé de son autre roman Teddy est revenu, dans lequel l'héroïne porte le même prénom que moi: Laura. Je me suis bien évidemment empressée de me le procurer et il me l'a dédicacé.
Je ne l'ai pas lâché. (le livre, pas Gilbert ^^)



Teddy, c'est l'ours en peluche qui appartenait à la fille de Laura quand elle a été enlevée. Cinq ans après, il est de retour: quelqu'un le lui a envoyée par colis. Qui peut bien lui avoir envoyé, et pourquoi? Quelqu'un veut-il lui signifier que sa fille n'est pas morte, qu'il faut qu'elle se remette à sa recherche?
Laura est déterminée, prête à tout pour retrouver sa petite.

Gilbert Gallerne a la plume chevaleresque, il a bâti une héroïne comme j'aime: fière, fragile, forte, déterminée. On sent toute l'affection et la tendresse qu'il a pour son personnage, et on sait qu'il ne lui arrivera rien. Auteur-démiurge-protecteur. Du coup, je lisais moi aussi, sous sa protection. Et on fait partie du combat pour retrouver la petite.

Ecrit en quatre parties, avec prologue et épilogue, un peu comme au théâtre, avec une plume généreuse et rassurante, certains chapitres suivent le point de vue de quelques personnages en particulier.
On savoure le suspens jusqu'à la fin, qui est hallucinante: LE coup de théâtre. 

"Elle serra la peluche contre son coeur. C'était l'élément le plus fort qui la reliât à sa fille. Jusqu'à présent, elle avait dû se contenter des vieilles photos qu'elle emportait en permanence dans son sac, prête à les montrer à quiconque serait susceptible de lui donner des nouvelles de Lucie. En cinq ans, cela ne lui avait guère servi, bien qu'elle les ait sorties un nombre incalculable de fois. Mais ces photos avaient cinq ans, justement. Alors que l'ours était sans doute tout près de sa fille quelques jours plus tôt à peine."
  

vendredi 16 août 2013

Accabadora, de Michele Murgia, une plume sarde qui ressuscite une Sardaigne aujourd'hui disparue

   De retour de Sardaigne, où j'ai exploré avec bonheur et des amis le pays, de Cagliari à Alghero en passant par la spiaggia di le perle et Mari Pintau, je décide de vous faire partager une lecture d'une auteur sarde, née à Cabras, non loin de Oristano (Vous voyez comme je maîtrise la topographie sarde à présent).

Accabadora est son premier livre traduit en français et excelle à nous plonger dans l'ambiance d'un village sarde du début du siècle. Cette atmosphère de non-dit me fait penser à la vendetta corse de Mérimée, aux femmes fières et fortes au visage buriné par le soleil, aux caractères insulaires entiers et aux traditions tenaces et omniprésentes.



L'accabadora est la dernière mère. Celle grâce à qui on trouve la paix. Elle oeuvre la nuit, drapée de noir. Mais lorsque "sa fille e anima", sa fille de l'âme, Maria, la voit sortir dans l'obscurité, elle s'inquiète et s'interroge. Que fait-elle donc? Le mystère plane longtemps et la vérité sera d'autant plus difficile à entendre, Maria a encore beaucoup de choses à apprendre...

Un extrait: " Durant les cinq années suivantes , Bonaria Urrai s'abstint de sortir la nuit, mais Maria ne le remarqua peut-être pas,trop occupée à se découvrir enfin fille légitime. Ce fut une réussite et, quand elle entra en septième, le village de Soreni avait accepté depuis longtemps cette étrange association. On avait cessé d'en parler au bar, et, dans les conversations qu'on échangeait à l'heure du crépuscule, sur le pas de la porte, la vieille femme et la fillette avaient laissé place à des nouvelles plus fraîches ou plus croustillantes: la fille de Rosanna Sinnai s'était fait engrosser par on ne savait qui, favorisant cet oubli et le cours normal des mauvaises langues."

mardi 30 juillet 2013

La petite fille de Monsieur Linh, de Philippe Claudel

Voici un roman à l'écriture étonnante, à la plume qui mime l'innocence et la douceur de son héros. Monsieur Linh a quitté son pays, avec dans ses bras, serrés contre son coeur, une valise qui contient une vie et une petite fille de 6 semaines qui est sa vie.
Désemparé, hagard, il ne retrouve aucun parfum connu, ne comprend pas la langue, et s'accroche à sa petite pour ne pas sombrer. Ce vieil homme est touchant, si émouvant qu'on a envie de le prendre dans ses bras et de s'occuper de ce duo incongru, fragile, précieux.



" Oui, c'était bien là, se dit Monsieur Linh tandis qu'il pose l'enfant sur ses genoux après s'être assis sur le banc. La petite a ouvert les yeux. Son grand-père lui sourit. "Je suis ton grand-père, et nous sommes tous les deux, nous sommes deux, les deux seuls, les deux derniers; Mais je suis là, n'aie crainte, il ne peut rien t'arriver, je suis vieux mais j'ai encore la force, tant qu'il le faudra, tant que tu seras une petite mangue verte qui aura besoin du vieux manguier."

Nos étoiles contraires, de John Green

Au lieu d'emmener le livre à la plage, j'ai eu la fâcheuse idée de le lire lors d'une après midi pluvieuse et orageuse. Il faut avoir le coeur bien accroché, car il en ressort gros, gonflé d'émotions puissantes et incoercibles. C'est l'histoire d'une jeune fille qui a un cancer, qui tombe amoureuse d'un garçon qui a un cancer. Je sais que ça peut paraître très lourd et pesant, et pourtant, ce livre nous fait aimer la vie plus que jamais. J'ai pleuré, pleuré...  Il y a plein de moments très beaux, et ceux- ci sont démultipliés forcément car on sent, on sait, qu'il faut profiter.



" J'ai avalé une gorgée. Les minuscules bulles ont fondu dans ma bouche, puis elles ont pris la direction du nord et ont navigué jusqu'à mon cerveau.Doux. Frais. Délicieux.
-C'est vraiment très bon, ai-je dit. Je n'avais jamais bu de champagne.
Un jeune serveur (...) est apparu.
-Savez-vous ce que Dom Perignon a dit après avoir inventé le champagne?
-Non, ai-je répondu.
- Il a appelé ses frères moines et leur a dit: "Venez vite: je goûte les étoiles."

L'étincelle d'or, d'Eric Boisset

Je continue sur ma lancée "Eric Boisset", avec un autre roman de l'auteur qui m'a davantage captivée.
Les idées sont belles, on se laisse prendre au jeu, même s'il est farfelu, improbable. Qu'importe, du moment que c'est beau. C'est bien mieux écrit, se rapproche davantage des adultes que des adolescents, même si certaines actions peuvent paraître puériles, la fin laisse coi par sa réalité sans concession.



Chadi Medawar est aussi excentrique dans sa tenue qu'il est silencieux dans la vie. Ce jeune surdoué libanais a connu les affres de la guerre, et il utilise son apparence pour hurler en silence sa volonté de changer le monde. Cheveux rouge sang, habits cloutés noirs, il dérange autant qu'il inquiète, et personne ne le remarque pour les bonnes raisons. Sauf Erwan. Il saisit l'ampleur de ses dons le jour où il franchit les grilles du château où habite Chadi (oui car celui- ci est très riche, en plus d'être surdoué: un héros quoi): la découverte d'une serre arc- en- ciel va bouleverser leur vie...

" Au détour d'une allée, l'attention de Chadi fut attirée par une étiquette vivement coloriée, qui bruissait dans le flux tiède de la ventilation avec un petit bruit de grillon.C'était un sachet de bonbons vide enfilé sur un bambou en manière de plaisanterie. Probablement l'oeuvre d'un garnement venu ici savourer ses friandises favorites. Très intrigué, il s'en approcha, ce petit drapeau de cellophane prêtait à confusion. On aurait pu penser que... Soudain, il se figea, la cervelle crépitante de gerbes d'idées toutes reliées entre elles par des connexions logiques."



Par contre, je trouve la première de couverture très peu à la hauteur du livre, surtout Chadi, je ne me l'imagine pas du tout comme ça. Plus comme un Lisbeth Salander au masculin.

vendredi 26 juillet 2013

L'oeuf du démon, d'Eric Boisset, en littérature jeunesse

En tant que prof je me suis munie de quelques romans littérature jeunesse pour l'été, et je débroussaille tout cela pour indiquer quelques bonnes lectures à mes élèves.

L'oeuf du démon est un roman fantastique, spécialité d'Eric Boisset qui a rencontré le succès notamment avec La trilogie d'Arkandias.


Zacharie, collégien rusé à la mèche blonde toujours impeccable, reçoit par erreur un colis contenant un oeuf mystérieux. Avec son meilleur ami Farouk, alias Souf, ils entreprennent de le percer (le mystère, et l'oeuf aussi!). Las! Rien n'y fait. Une inscription en arabe les mène à la grand-mère berbère de Souf: Latifa. Celle-ci change de couleur à la vue de l'oeuf: elle refuse de prononcer la formule: cela libérerait un puissance maléfique: un maridin....

"Latifa se tenait assise sur un coussin, jambes croisées selon son habitude. Elle portait un caftan ouvert sur une robe d'intérieur en voile de satin. A son cou, brillait un collier d'or dont le motif représentait une abeille stylisée. Ses mains étaient couvertes d'arabesques brunes. Elle avait également des motifs géométriques sur les joues et le front, mais ceux-ci étaient tatoués, ce qui impressionnait tout particulièrement Zacharie. Quand elle releva vers lui son regard vert rehaussé de khôl, le garçon se sentit percé à jour.; Ses forces l'abandonnèrent, et il resta pétrifié devant elle, comme un lapin pris dans les phares d'une voiture. Latifa connaissait le pouvoir magnétique de ses yeux. Elle en usait avec délectation pour troubler ses hôtes. Au pays, on la disait un peu sorcière, mais c'était sans doute très exagéré."

C'est un roman simple et facile, assez prévisible. Il y a de bons passages mais somme toute l'action se traîne un peu. Les ados amateurs de fantastique et d'orient devraient y trouver leur compte.

mercredi 10 juillet 2013

Cinéma: "Starbuck" de Ken Scott

   Tombée par hasard dessus, ce film québécois a retenu mon attention et est un de mes coups de coeur de cette année.
  Inspiré d'un fait réel, c'est l'histoire d'un homme qui semble avoir raté sa vie: à 50 ans, il bosse dans la boucherie de son père, cultive de la beu dans sa cave, et se fait noyer régulièrement par les gorilles auxquels il doit de l'argent...

Puis un jour, l'avocat d'une grande clinique vient lui annoncer que suite aux dons de sperme qu'il a faits il y a vingt ans, il est le père de 533 enfants, dont 142 veulent le retrouver!

C'est touchant et hilarant, cela pose la question de la paternité et de la filiation, et de manière juste.
On passe un très bon moment, et on pense bien que finalement, chaque enfant est une source de bonheur infinie, alors imaginez multiplié par 533! Enjoy!

bande annonce starbuck le film

Sous le vent, texte de Jean-Bernard Pouy et illustrations de Joe G. Pinelli

A Bothoa, au coeur de la Bretagne, le jeune Pol s'ennuie et rêve déjà d'un ailleurs enivrant.
Beaucoup plus tard, après une guerre atroce et la perte de toutes ses illusions, il lui faut partir, coûte que coûte. Il lance une fléchette sur la carte du monde. La destination est choisie: ce sera les îles sous le vent.
Il part, mais encore trop chargé de souvenirs brûlants, de braises dangereuses.
Les vents de mers du sud raviveront le brasier.



Je retiens de ce livre les magnifiques illustrations qui oscillent entre l'enfer et le paradis, le rouge et le bleu, la colère et l'apaisement.
Voici un extrait qui me rappelle le poème "Les Ponts" de Rimbaud, dans le recueil Illuminations.

"Pol pensait que lui non plus ne s'était pas arrêté pour se demander s'il avait raison de vouloir gagner l'autre rive. Même pas à Panama, où il avait senti, pour la première fois qu'il était parti, qu'on lui donnait tort, qu'on lisait en lui. Il était arrivé ici, aux Marquises, assez brutalement, comme s'il avait traversé mentalement un immense pont. Et jusqu'à présent, il se contentait d'admettre qu'il avait eu raison. Une nature enfin apaisée, bienfaitrice, une femme aux goûts simples et assumés, une idée de survie possible, une paix. Voilà: une idée tangible de paix. Il avait tout simplement franchi la passerelle qui menait de la guerre à la paix."

Nina, de Simonetta Greggio et Frédéric Lenoir

" Un amour non vécu n'est pas un amour perdu.
C'est un amour qui vous perd, qui vous possède
                         plus que vous n'en êtes possédé."




Nina est un roman écrit à quatre mains, et une très belle histoire d'amour, dont on ressort souriant et apaisé.
Adrien a décidé de mourir. Il n'attend plus rien de la vie. Il feinte sa nounou de toujours, la seule femme qui s'occupe encore de lui, et projette d'avaler des médicaments.
Mais le soir venu, il fait le bilan et se remémore son enfance, ses vacances en Italie, et cette fille fabuleuse: Nina, dont il était éperdument amoureux. Il se met à lui écrire une lettre.
Puis comme Shéhérazade, chaque soir il va repousser le moment de mourir, préférant continuer d'écrire à Nina, seule raison de survivre à présent. Au fil des nuits, cela devient une immense déclaration d'amour, celle qu'il n' a jamais eu l'audace de faire. Il ne se doute pas que ces mots bouleversants vont croiser le chemin de plusieurs personnes et changer leurs destinées...

"Nina,
  Te souviens-tu de ce que nous répondions lorsqu'on nous demandait ce que nous voulions faire plus tard, quand nous serions "grands"? Alors tu répliquais, enthousiaste, "danseuse de lucioles", je restais muet. Mais, Nina,à toi je n'ai jamais rien caché de la passion qui me dévorait. Je voulais être, ou plutôt devenir, écrivain."

"Et puis un jour il y a eu cette étreinte. La seule. Ce rocher sous la lune, la mer argentée, le duvet clair de tes cuisses sous le short bleu, les trois grains de beauté en triangle sur ton cou, tes épaules moites et nues, fragiles comme les ailes d'un passereau. Nous nous étions assis côte à côte. Tu t'étais ébrouée et tes cheveux avaient frôlé mon cou. Puis tu t'étais blottie contre moi. Instinctivement j'avais alors osé faire ce que je désirais depuis toujours: passer mon bras autour de ton épaule et poser ma tête contre la tienne. J'avais effleuré tes pommettes et tes paupières de ma bouche, et nous étions resté ainsi, souffle court, peau brûlée."

dimanche 7 juillet 2013

L'expatriée, d'Elsa Marpeau

    L'expatriée  est un roman noir par son atmosphère et les sentiments obscurs qui agitent les personnages. Réécriture de L'Etranger de Camus (dont il y a d'ailleurs une citation en préambule), l'auteur nous livre une autobiographie de son voyage à Singapour, souvenir de son ennui profond, et de la moiteur intolérable qui règne sous ces latitudes. L'écriture se rapproche de celle de l'Etranger, blanche et désincarnée.



     Expatriée à Singapour dans un condo chic où des Français meurent d'ennui, Elsa voudrait commencer un nouveau livre mais elle tourne en rond, écrasée par la chaleur et le désoeuvrement. Sa vie change radicalement lorsqu'arrive Nessim, le nouveau Français  de la résidence qu'elle baptise "l'Arabe blond". Il devient son amant jusqu'à sa mort, deux mois plus tard. Assassiné de plusieurs coups de couteau. Parce qu'elle était sa maîtresse, Elsa devient aux yeux de tous la principale suspecte. Elle ne doit son salut qu'à Fely, sa maid philippine. Mais le prix à payer sera élevé...

"- Nous repoussons les frontières du désert.
La voix de l'Arabe blond se met à trembler. Il s'interrompt: 
- Je ne peux pas raconter dans ces conditions. Je... je n'y arrive pas.
- Il s'agit juste de mentir, dis-je pour l'encourager. De me donner infiniment plus que tu ne possèdes. De descendre tout un fleuve quand les autres, les gens sincères, commencent à peine à tremper leurs pieds dans l'eau. De boire aux fontaines qui coulent dans ta tête, d'offrir des festins imaginaires.de parcourir un continent quand ils traversent un département consultable sur les plans cadastraux."

  J'ai rencontré l'auteur au festival du polar le week end dernier et lui ai posé quelques questions. Salma est l'anagramme de son nom et la narratrice est schizophrène. Beaucoup de choses m'ont dérangée dans ce roman, mais cela contribue sans doute à établir une atmosphère étouffante: le ressassement sur la chaleur humide oppressante, l'attitude de la mère névrosée vis-à vis de sa fille, l'omniprésence de la pourriture, de cadavres en décomposition, la complaisance dans l'ennui morbide, l'ambiance mortifère, l'humanité niée. 


dimanche 30 juin 2013

Lettre à mes tueurs, de René Frégni, un polar marseillais caniculaire et trépidant

Né en 1947 à Marseille, René Frégni a déserté l'armée après de brèves études et vécu pendant cinq ans à l'étranger sous une fausse identité. De retour en France, il a exercé différents métiers avant d'animer des ateliers d'écriture dans les prisons d'Aix-en-Provence et de Marseille où il a pu côtoyer le monde de la pègre et des voyous qu'il connaît bien.
C'est le Parrain des "Pontons flingueurs", il en a l'élégance et le mystère...



 Lettre à mes tueurs se passe à Marseille, évidemment. Sous une canicule accablante et son toit brûlant, le héros est en mal d'inspiration. Pierre, écrivain, se bat avec la page blanche, et se lamente sur sa vie trop paisible. Surgit alors comme un deux ex machina un ami d'enfance, figure du grand banditisme, traqué par la police et le milieu, qui lui demande un "service": il lui confie une cassette et un numéro de téléphone avant de disparaître par les toits...
  L'auteur en mal de fiction devient alors personnage dont la réalité sans concessions le dépassera complètement. Mais pour sauver sa peau, on déploie parfois un talent et une force sans commune mesure.

J'ai beaucoup apprécié partager avec le personnage la traque, avoir le point de vue de mecs en cavale, on sent qu'il y a "du vécu". Le tout baigné du soleil phocéen, c'est juste parfait en ce début d'été. Marseille est l'héroïne principale: le narrateur en est nostalgique, amoureux. Les flics sont inexistants, j'apprends le style de Frégni, et il me plaît.

 Extraits:
    "Je retrouvai l'air libre, la douceur des nuits d'été, le bourdonnement lointain de la ville. Quelques heures de cellule suffisent pour vous faire redécouvrir toute la beauté d'une nuit d'été." (...)
    "Marseille est une ville qui vous enlève le goût de voyager, d'une rue à l'autre vous changez d'odeurs, de bruits, de continents. D'avenues tirées à quatre épingles aussi propres que la Suisse, je débouchais sans les dédales de Naples ou la banlieue d'Alger. vous traversez la terre en une nuit et vous tombez soudain sur des mâts qui se balancent en plein milieu de la ville.
      Au cours de leur voyage les étoiles n'ont pas trouvé plus beau miroir que le Vieux-Port. J'y arrivai à l'instant où le jour redessinait en rose 'église Saint-Laurent et celle des Accoules, et je mourais d'envie de tenir sous mon nez un vrai café.
      Les premiers bistrots sortaient guéridons et fauteuils, quai de Rive-Neuve. Je dépassai la place aux Huiles et allai m'installer au bar de la Marine face aux milliers de voiliers blancs qui dansaient comme autant de mouettes assemblées en un paisible sommeil.
     C'était cela Marseille, le merveilleux sommeil des mouettes au creux du matin rose et cet ami d'enfance qui perdait son sang dans une rue derrière." 

Les Pontons Flingueurs, Festival du polar à Annecy, édition 2013!

Hier, ambiance pluie polar sur la Venise savoyarde, la brume mâtinait les sommets et nous embarquâmes sur le Cygne, le coeur hésitant entre délice et appréhension...




La journée fut aux antipodes de la météo: chaleureuse, conviviale et bon enfant. J'ai pu approcher Simonetta Greggio (une habituée d'Histoires d'en parler), Gilbert Gallerne (dont je me suis procuré Teddy est revenu: son héroïne s'appelle Laura ;)  , René Frégni (inventeur du nom" Les Pontons flingueurs", il Padrino!!), Laurent Guillaume (flic et belle gueule, écriture sans concession), Elsa Marpeau (expatriée à Singapour) , Clélia Ventura (fille de Lino, sisi!), Jean-Bernard Pouy (créateur du Poulpe et homme étonnant), Patrick Raynal (tonton flingueur par excellence: il en a la gueule et le verbe), Laurent Astier (jeune auteur de BD prometteur), Jean Paul Carminatti (avocat et écrivain nous racontant son drame familial tragi-comique dans Le Petit dernier), André Fortin (juge marseillais fort de son expérience...).

  Journée donc riche en rencontres, en bons mots, et bons mets... Vivement l'édition 2014, sous le soleil exactement!

vendredi 28 juin 2013

Escale à l'auberge du Père Bise à Talloires: rencontre avec Laurent Guillaume, auteur des Eaux Troubles

Toujours sur Le Cygne, nous naviguons vers Talloires, vers le célébrissime restaurant Le Père Bise, que je rêve de connaître depuis toute petite. Ce sera ma première fois, et je rencontrerai Laurent Guillaume, auteur des Eaux troubles.

   
   Il y a d'abord la préface d'Olivier Marchal, qui donne le ton au polar. Un ancien flic qui sait de quoi il parle. Ce roman nous plonge dans une atmosphère âpre, une réalité sans concession, un jargon policier somme toute assez jouissif. J'ai vraiment accroché à ce polar, le personnage de Mako (je vais d'ailleurs me procurer le roman éponyme) est très attachant et bien ficelé: il me fait penser au flic de Braquo, même gueule dure, même honneur. On a l'impression d'être avec eux tout du long, de vivre un Sig dans la main et de descendre dans les caves et la noirceur humaine avec eux. De bons rebondissements et une noire ambiance, bon cocktail pour faire un bon roman policier.

 Extrait:
"La BAC 47 glissait entre les pavillons endormis de la banlieue parisienne. La nuit, glaciale en cette fin octobre, n'en finissait plus. Le moteur de la grosse berline tournait au ralenti, ronronnant, berçant les trois occupants de la voiture, les plongeant dans une torpeur maligne. Des lambeaux de brume colonisaient les rues désertes, nimbant les silhouettes  des villas d'une auréole sombre et fantomatique. Mako, assis à l'avant dans le confortable siège du passager, soupira bruyamment vers sa vitre. la chaleur humide de son souffle la voila. Du doigt, il dessina dans la buée un oeil ouvert, inquisiteur et impitoyable."

Escale à Doussard pour un déjeuner littéraire

On poursuit notre périple sur le lac pour rencontrer Jean Bernard Pouy: prochain arrêt sur le ponton de Doussard!


   Ce n'est pas un roman policier, mais je m'en suis emparée car c'est d'abord un objet magnifique, orné de tableaux de Pinelli qui viennent illustrer le texte de Pouy. Celui-là est dans ma PAL, après ma parenthèse polar...


Festival du polar "Les pontons flingueurs" à Annecy: c'est ce week end!

C'est parti! Toute la semaine,  j'ai lu différents polars en vue de rencontrer leurs auteurs demain.
 Au programme: -Les salauds du lac, de Gilbert Gallerne
                         -  Les eaux troubles, de Laurent Guillaume
                         - Lettre à mes tueurs, de René Fregni
                         - L'expatriée, d'Elsa Marpeau


     Nous embarquons sur le bateau Le Cygne demain à 9h30, direction Sevrier, pour rencontrer Gilbert Gallerne, auteur des Salauds du lac.


     Avec le personnage Le Poulpe, ce roman m'a captivée car il se passe à Annecy! J'ai adoré imaginer l'intrigue au coeur de la vieille ville, sur les abords du lac, retrouver des noms de lieux connus (Saint Martin de Bellevue).   C'est efficace, très prenant, j'ai dévoré le livre en quelques heures.

      Trois corps sont repêchés dans le lac, tous criblés de balles. Le Poulpe à Paris réalise que l'un d'entre eux est une ancienne connaissance du service militaire. Lucien étant fiché comme truand notoire, l'enquête est vite classée. Mais le Poulpe ne croit pas à cette version. Il se rapproche d'Annecy, et de fil en aiguille, se retrouve dans un magnifique château....
 J'ai été aussi surprise par la violence de l'intrigue, la cruauté et la noirceur des personnages.

Un extrait:
     " La matinée était belle et le lac méritait ce matin-là son surnom de "lac Bleu". Sur l'eau froide s'ébattait des cygnes alanguis, que des canards surveillaient à distance. Au loin, la masse des Alpes dominait les eaux dans lesquelles elle se reflétait. Les sommets enneigés disparaissaient sous la brume. L'automne était bien avancé, mais les coteaux tapissés de résineux demeuraient d'un vert profond. L'air était frais, pur, l'atmosphère calme et les eaux limpides. Difficile de croire..."

jeudi 20 juin 2013

La reine des lectrices, Alan Bennett

     Petit roman par son contenu et son intérêt: il m'a copieusement ennuyé, m'est tombé des mains, ce qui n'est pourtant pas mon habitude.

    Imaginer ce qu'il se passerait si la reine d' Angleterre devenait une férue de lecture, le sujet ne m'a pas touchée.

  J'ai besoin de lire pour me perdre, me retrouver, me fondre, m'envoler et rêver.

lundi 17 juin 2013

Romeo et Juliette par la Compagnie Les Yeux Grand Ouverts, mis en scène par Kamel Isker

    Vendredi 14 juin 2013, le Festival Grand Ouvert à la maison de Malaz se clôturait avec la représentation de Romeo et Juliette par la classe théâtre du collège de Seynod, et l'option théâtre du lycée Baudelaire.

     C'était un moment très attendu: d'abord parce que c'était l'apogée du festival, la dernière soirée; ensuite parce qu'après le Hamlet que ces mêmes élèves (une partie) nous avaient présentés, nous avions de grandes attentes. En effet, Hamlet (avec Oscar Montaz dans le rôle titre) avait créé la surprise par l'enthousiasme, l'énergie et le bonheur de jouer qu'avaient montré les comédiens. Dépoussiérer un classique fonctionne toujours, et ce fut le cas avec beaucoup de talent.

    Avec Romeo et Juliette, ils sont allés encore plus haut, encore plus loin: des talents se sont révélés, d'autres se sont confirmés. Le couple à la scène comme à la ville n'en était que plus émouvant (Hugo Lecuit et Alexia Hébrard), la nourrice (Marine Berlanger) formidable de truculence et de charisme, le père Capulet (Thibault Hebrard) magnifiquement inquiétant: bref ces douze adolescents ont l'âge de leur héros et s'en sont emparés de manière magistrale!

    La mise en scène fraîche et enjouée exploitait bien l'humour de Shakespeare. Ils se sont attaqués au mythe de la plus grande histoire d'amour de tous les temps sans complexe et de manière moderne et décalée, et l'ensemble était absolument réjouissant.

    Le cadre de la maison de Malaz a participé à la magie de cette première représentation.
Deux immenses chênes desquels descendaient une boule à facette pour le bal, un rideau noir pour la confession au père Laurent. Juliette se juchait sur deux immenses troncs couchés pour la scène du balcon. Mercutio et Benvolio arrivaient en scooter. Et la scène s'enflamme (littéralement) pour le final.

    C'était une soirée qui confinait au grandiose, et pour des enfants de cet âge, on ne peut que les suivre avec attention, et attendre la suite avec impatience.


jeudi 13 juin 2013

Théâtre: El Gringo, par la Compagnie Théâtre Nomade

     Deuxième spectacle de la journée du 12 juin, on découvre avec surprise la Compagnie Théâtre Nomade, qui se spécialise dans les masques. J'adore les masques depuis toujours, ils me fascinent et me touchent. Et puis on revient aux origines antiques, et ça n'est pas pour me déplaire.
    Voici que les grillons accompagnent le début de la pièce, le soleil se couche, je resserre la couverture sur mes épaules, je ferme les yeux un instant, je me croirais presque à Epidaure....
     Mais non! Point de masques tragiques, mais une comédie burlesque à hurler de rire, un plaisir de faire participer le public, un ton décalé jouissif: voilà El Gringo!

     El Puma, dictateur excentrique, règne sans partage sur Mexico City. Pendant ce temps, Gringo, cowboy au chômage, mange des tortillas devant la télé. Volontaire et pas doué, il se retrouve au service de Pedro Ramirez, chef des révolutionnaires, croyant être adjoint au shérif. Cocasse. Et ce n'est que le début. S'ensuit une série de péripéties accouplées avec des chansons désopilantes. Les sentiments s'expriment en chansons et les conflits avec des pistolets à eau.

   J'ai adoré, tout comme le public à l'unanimité. Une soirée mémorable!





Théâtre: La main de Leïla, par la compagnie Les Yeux Grand Ouverts

       Hier soir, seconde journée du Festival Grand Ouvert, le metteur en scène Grégory Benoit nous présentait une création de deux des comédiens de la troupe: Kamel Isker et Aïda Asgharzadeh, qui ont écrit et interprété cette magnifique histoire qu'est La main de Leïla. 

       Nous sommes en 1988, près d'Alger. Samir et Leïla s'aiment en cachette. Ils se retrouvent toutes les nuits sur une terrasse pour partager leurs rêves, leurs doutes et leurs désirs. C'est l'histoire d'un jeunesse algérienne frustrée et en colère qui attend, à l'image de leur amour, de pouvoir s'accomplir.

        Cette pièce est une merveille, un pur moment d'évasion au goût d'orange et de makrout que les deux comédiens nous livrent avec une énergie et un enthousiasme communicatifs.
         J'en ai apprécié chaque instant: le texte, la musique, le décor: tout concordait à vivre un beau moment de théâtre. Les draps blancs étendus pour sécher volaient dans le vent et le soleil: le fait d'être dehors a ajouté à la magie de cette première représentation.

      Une pièce à découvrir absolument, et une compagnie à suivre!


Théâtre au Festival Grand Ouvert : Oncle Vania de Tchekhov par la Compagnie Midi Trente-neuf

    Le bonheur avec le Festival Grand Ouvert, c'est qu'il se passe à l'extérieur. Et tout à coup on revient à l'essence même du spectacle vivant: on goûte la résonance des voix, le chant des étoiles et celui des grillons, la respiration du public qui goûte à l'unisson le plaisir de l'instant, le plaisir d'être là, et de vivre ce moment-là, avec les comédiens.

      Pour Oncle Vania, la compagnie trente-neuf a très bien exploité le site: Astrov arrive en vélo et dévale la colline, Vania s'énerve avec les branches de sapins, un hamac est suspendu entre deux pins, et la scène s'embrase littéralement à la fin, symbole peut-être des rêves d'existence de Vania qui partent en cendres, de sa solitude inéluctable.
   C'est une très bonne adaptation de la pièce, les comédiens qui jouaient Vania, et Sonia étaient incroyables et ont conquis le public: bref le festival avait fort bien commencé!


mardi 11 juin 2013

La mise à nu des époux Ransome, d'Alan Bennett ou le pastiche du couple sans vergogne

Ce roman est tout simplement déroutant. L'humour anglais y est pour beaucoup. Les personnages restent flegmatiques jusqu'au bout des ongles, et l'on se réjouit de voir secoué leur petit monde bien pensant.


C'est l'histoire de M. et Mme Ransome, couple cul pincé et conventionnel par excellence, qui retrouvent leur appartement intégralement vidé de toutes leurs affaires, jusqu'aux plinthes et au papier toilette. Après un ou deux haussements de sourcils, ils reprennent rapidement le dessus. Monsieur continue d'écouter son Mozart et d'être égoïste, Madame découvre finalement une nouvelle vie dégagée de matérialisme et qu'elle peut rêver. Les conventions et la bienséance sont mis à mal, et révélation: Madame s'éclate à aller chez son petit épicier pakistanais et à s'acheter de fausses perles, ainsi qu'à reluquer son beau voisin en train de faire des tractions.

L'extrait:
"(...) C'était toutes ces possessions, elle en avait l'intuition, qui l'en avait jusqu'alors empêchée. Maintenant, elle allait pouvoir s'y mettre. Et donc, affalée sur sa balle de haricots, au milieu du parquet dénudé de son ancien salon, Mrs Ransome découvrit qu'elle n'était pas malheureuse, que sa situation présente avait une réalité bien plus grande et que, indépendamment du confort qua chacun est en droit d'attendre, ils allaient désormais pouvoir mener une vie moins douillette..."


dimanche 9 juin 2013

Pénélope Bagieu, ou la première illustratrice qui m' a fait rire aux éclats

     Il y a quatre ans quand j'ai découvert le blog "Ma vie est tout à fait fascinante", je me suis empressée d'aller acheter l'album du même nom, et cela a été une révélation. Ainsi donc toutes les autres filles rient et pleurent aussi comme moi? Elle croque des moments de vie et l'on s'identifie forcément, c'est irrésistible, c'est drôle et intelligent.


   Dès lors, je l'ai suivie dans tout ce qu'elle a fait: la trilogie BD Joséphine dont le film va sortir très bientôt(le 19 juin!!!), et qui sent furieusement le vécu: c'est comme si les colères, les frustrations, les jalousies et les envies que l'on connaît toutes avaient été croquées en bande dessinée: un défouloir majestueux!






     Cadavre exquis: premier récit au long cours, aux tonalités de polar.
   Une jeune femme toute gentille et spontanée rencontre un écrivain maniéré et imbu de lui-même, et en panne d'inspiration. Elle va être sa muse, et se construire une vie meilleure. Mais une histoire de cadavre flotte...




  Puis La page blanche: une jeune femme assise sur un banc réalise tout à coup qu'elle ne sait plus qui elle est ni ce qu'elle fait là.
  On constate que le thème de la page blanche, de l'inspiration est récurrent chez Pénélope Bagieu.  C'est une histoire étonnante sur la quête d'identité, où l'on se rend compte qu'il faut se réaliser pour exister, et que l'on vit pour se construire et se souvenir.


Le bon Antoine, Marie Desplechin

Antoine n'est pas un bon élève, mais c'est un bon ami. Et à force d'être trop gentil, il accumule les embrouilles. Le voilà puni, et selon "la loi de Murphy", ce n'est que le début des ennuis...

C'est une bonne histoire collégienne, du même auteur, vous pouvez découvrir La belle Adèle. C'est un peu pétri de bons sentiments, et l'ensemble est assez prévisible, mais cela fonctionne bien, et c'est ce qu'on demande aux romans pour ados.


Voici l'incipit:
 " En haut de la classe, il y a Frédéric Liu. En bas, il y a moi. Non, je rigole. Je suis en bas mais je ne suis pas seul. On est quelques uns à barboter dans la bouillasse, avec Darin Belkacem et Thomas Grandjean. On agite nos nageoires, on se fait une petite concurrence sans prétention. Frédéric n'est pas isolé non plus. ils sont bien quatre ou cinq à se tenir chaud sur son perchoir. Entre les hauteurs et les profondeurs vivote une sorte de marais. Ensemble, nous formons une classe harmonieuse. C'est une réussite collective. Car pour y arriver, il ne suffit pas d'avoir des gagnants, les perdants aussi sont indispensables (ou l'inverse). Les gens comme moi sont donc nécessaire à l'harmonie générale. Pas de quoi avoir honte. Et même: merci moi."

jeudi 6 juin 2013

Bacha Posh, de Charlotte Erlih ou comment vivre quand on est une fille en Afghanistan

      Une Bacha Posh, c'est une fille élevée comme un fils dans les familles afghanes qui n'en ont pas.
Barrukh - ou Barrukhzad- est le barreur de l'équipe d'aviron, et s'entraîne dur pour participer aux JO. Elle profite d'être un garçon pour marcher, parler comme elle veut, être qui elle veut.
Puis un jour, le sang coule, elle est à présent une femme: tous ses rêves s'envolent.... Mais déterminée à retrouver sa liberté, elle va se battre, en trouvant notamment un réconfort dans l'écriture et la lecture.

      Je n'étais pas forcément emballée au début, ni le titre ni la première de couverture ne me parlaient. Puis un sentiment d'empathie naît au bout de quelques pages forcément, lorsqu'on côtoie cette jeune qui traverse toutes ces épreuves juste parce qu'elle est une femme. L'ensemble se lit bien, et se révèle efficace, notamment pour les adolescents.

    Voici deux extraits:
     
    "Les livres ne parlent que de ça: de ceux qui se battent jusqu'à faire triompher leurs désirs, de ceux qui, malgré leurs efforts, ne réussissent pas à faire plier la réalité, ou de ceux qui baissent les bras sans lutter. De ces trois catégories, les seuls vraiment malheureux sont ceux qui n'essaient pas. Qui renoncent. Qui subissent.
  Je ne veux pas me morfondre dans mon coin en maudissant le sort. Je n'aime pas ce rôle. Je vais continuer à me battre.
   Voilà mon identité: lutter."


     "- C'est avec ce livre que j'ai compris que toutes les blessures de coeur, même les plus profondes, finissent par se recoudre, murmure-t-il. Il faut juste du temps. Beaucoup de temps parfois. Mais ça passe.
  Je lui demande à quoi ça va me servir tout ça, ces livres, ces histoires, ces rêves, ces pensées, si mon destin est de rester confinée dans une maison, de me marier et d'avoir des enfants. "C'est précisément parce que tu vas être enfermée qu'il est primordial que tu aies ton jardin intérieur. Celui-là, personne ne pourra t'empêcher de t'y promener. Toi seule en auras les clés."
    Nous restons un moment silencieux."






mercredi 5 juin 2013

Festival du polar à Annecy!

    Du 27 au 29 juin, la 2ème édition du festival du polar investit les bords du lac. Les pontons flingueurs sont de retour! Avec comme marraine la fille de Lino Ventura, ce sera l'occasion de nager en eaux troubles avec une quinzaine d'auteurs, de louvoyer dans de prestigieux restaurants, de s'encanailler sur le Cygne ou la belle étoile!  Ca va cogner pour nos palpitants!

http://lespontonsflingueurs.com/festival


mardi 4 juin 2013

La plume douce et délicate d'une romancière islandaise

    Alors certes le nom de cette professeur d'histoire de l'art, Audur Ava Olafsdottir,  a des sonorités gutturales, mais son premier roman traduit en français, Rosa Candida est une merveille de douceur et de délicatesse.
    Arnljotur, vingt-deux ans, passe son temps le nez dans les roses. Sa passion dans la vie? Le jardin et les fleurs. Et puis une nuit, dans une serre, allongés sur des rosa candida, Ana et lui s'aiment. Ils viennent de se rencontrer, ils se connaissent à peine, mais leur existence va être bouleversée, car en Islande, les filles naissent bien dans les roses...


 

De cape et de crocs, la plume et le panache en bande dessinée

    Si vous êtes amateurs de théâtre, de commedia dell arte et de cape et d'épées; si vous aimez les voyages sur la lune et les aventures rocambolesques; si vous goûtez les bons mots et les bons mets, alors cette série de BD de Ayroles et Masbou est faite pour vous!
   Dix tomes pour savourer l'histoire de Armand Raynal de Maupertuis et de Don Lope de Villalobos y Sangrin, gentilshommes désargentés, fins bretteurs et beaux parleurs, qui s’emparent de la carte du fabuleux trésor des îles Tangerines. Laissant derrière eux les dames de leurs pensées : Hermine, la fière Gitane, et Séléné, la ravissante ingénue, nos héros se jettent dans la grande aventure !
     
L'occasion de redécouvrir toute la "pièce" se présente puisque le dernier acte (tome 10) est sorti dernièrement. Allez découvrir toute la grâce et la poésie de ce récit passionnant, assorti de dessins au panache luxuriant. Bonne lecture!


 LES 10 TOMES: 10 ACTES