lundi 24 février 2014

Cet instant-là, de Douglas Kennedy

      J'ai eu d'abord du mal à entrer dans l'histoire: l'écrivain new yorkais qui se sépare, qui fait un bilan amer et qui se souvient d'un amour perdu il y a trente ans, Joël Dicker l'a fait et fort bien. J'ai éprouvé beaucoup de difficulté à me replonger dans un livre après l'affaire Harry Quebert, tant celui-ci m'a captivée, tant je l'ai trouvé fabuleux. Tous les autres après me paraissaient fades et insipides.

      Puis la réception du journal de son premier amour lui donne l'occasion de faire un flash back sur ces événements qui l'ont marqué à jamais: la rencontre avec son premier et véritable amour.



        Nous voilà à Berlin, en 1984. Thomas Nesbitt, le narrateur, voyage beaucoup et écrit sur ses périples, mais c'est surtout un prétexte pour fuir. Fuir ses parents, fuir les femmes qui tombent amoureuses de lui, fuir dès lors que le bonheur approche.
       Très vite je me sens oppressée: il réussit très bien à décrire le Berlin des deux cotés du mur, et l'on se demande encore, comment, il y a à peine 30 ans, cette situation a pu exister. Thomas "voyage" et traverse la frontière de Berlin ouest pour se rendre à l'est, et se faire un petit trip communiste. La surveillance omniprésente, l'absence de liberté, les autorités omnipotentes achèvent d'oppresser le lecteur, qui a hâte que Thomas rejoigne le coté ouest, où il s'est trouvé une coloc avec un peintre camé, mais qui au moins le laisse respirer.
       Pour arrondir ses fins de mois, il se trouve un job à Radio Liberty, et rencontre sa traductrice: Petra.   Naît entre eux une passion incroyable, un amour torride. On se dit même que c'est trop. Trop beau, trop parfait pour être vrai. On s'ennuie même un peu. Puis il arrive à nous tenir en haleine avec la suite, avec le journal en question. En effet, on change de narrateur: on a accès au journal intime de Petra. Après avoir eu la version de Thomas, nous avons celle de l'"Ossie" (oui car Petra vient du côté Est de Berlin avec tous les sous-entendus et questions que cela implique). Car évidemment, c'est une histoire d'amour qui finit mal.
Et on se demande pour finir: cet instant-là, duquel s'agit-il?
De l'instant où l'on tombe amoureux? L'instant où l'on saisit que c'est l'homme/ la femme de notre vie? Où l'on réalise qu'on va le perdre? Le premier baiser?  Le réveil après la première nuit?

      "Il y a  la route. Le jour suivant. Ce qui se profile à l'horizon. L'espoir d'un révélation et la crainte qu'elle ne se présente plus jamais à vous. Le besoin de se dire que la vie vaut pour ses actes II et la nécessité de continuer. La solitude au coeur de la condition humaine et le désir de la rompre, de rencontrer, d'échanger, et la peur inhérente à la rencontre, à l'échange.
       Et au milieu de toutes ces forces discordantes, il y a aussi l'instant.
     L'instant qui peut tout bouleverser ou ne rien changer. L'instant qui nous induit en erreur ou nous révèle enfin qui nous sommes, ce que nous cherchons., ce que nous voulons obstinément approcher et qui restera peut-être à jamais hors d'atteinte.
        Peut-on vraiment échapper à l'instant?"