jeudi 24 septembre 2015

Face Nord, de Jean Marie Defossez, une aventure glaciale, une histoire d'amour au sommet

Eric, Stéphane et Julie sont inséparables depuis toujours. Ce qui les unit: la passion de la montagne. Au lycée de Chamonix, ils préparent le bac, mais ils se préparent surtout à l'ascension des Grandes Jorasses, par la face Nord: épreuve autrement plus périlleuse que le bac.... De la nature ou la passion, laquelle viendra mettra à mal cette amitié solide comme le roc?






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    Voilà un roman que j'ai lu pour mes 5e Nature et sport (à défaut d'en faire...) et qui se passe à Chamonix: formidable!
J'ai beaucoup apprécié la double narration: tantôt un narrateur externe, tantôt le point de vue de Julie. L'histoire est très prenante, le suspens au rendez-vous. L'auteur nous accroche avec ses piolets à la roche, on est tétanisé par ce qui arrive au trio.

"Prisonnier de son vertige, Eric ne bougeait plus. J'avais de plus en plus mal pour lui. Nos exhortations, qui ne servaient à rien, ont commencé à faiblir avant de cesser. C'est alors qu'il a lentement levé la tête vers nous"

lundi 13 juillet 2015

Plonger, de Christophe Ono-dit-Biot: une histoire d'amour amère et d'amour de la mer

Voilà un vrai beau livre de vacances, estival à souhait avec tous les ingrédients indispensables: de l'amour, du mystère, un cadre enchanteur...


Alors on plonge, forcément...

César tombe fou amoureux de Paz, une espagnole sublime, une artiste talentueuse, une photographe épatante éprise de liberté et aux idées bien arrêtées. De leur union naît Hector. mais Paz n'est pas heureuse à Paris, et veut entreprendre le monde. Pas César qui a assez bourlingué. Un jour Paz part, laissant mari et fils seuls. On la retrouve nue et morte sur une plage à l'autre bout du monde, des mois après.

Le livre est la narration de César à son fils, à qui il doit la vérité sur sa mère: de leur rencontre à la fin de leur histoire, en traversant le monde de l'art européen, de Venise à Abu Duwas, d'Ulysse à Aladin.

Que l'auteur évoque le monde de l'art en continu m'a beaucoup plu, de plus leur histoire d'amour impossible en lien étroit avec différentes oeuvres était intéressante: la conception d'Hector dans le ventre de la baleine à Venise reste un moment éminemment romantique pour le lecteur...

"Je t'emmène dans les profondeurs." Aujourd'hui, évidemment, cette phrase revêt une signification dérangeante, qui me brûle. Mais à l'époque, je l'ai prise pour ce qu'elle était. Une incursion dans le coeur du sujet. L' étap-clé de l'initiation.

Elle conduisait sans un mot. Avec, toujours, montant dans l'habitacle, le Requiem de Mozart. Requiem, dont dériverait le nom "requin". "Requiem est un gros poisson de mer qui dévore les hommes, écrivait Furetière, qui est ainsi nommé parce que, quand on en est mordu, il n'y a rien d'autre à faire qu'à chanter le requiem..."

samedi 25 avril 2015

Matins bleus, de Jean Marie Laclavetine

     Je garde un souvenir ému de ma première lecture de Laclavetine, en 1999, avec le roman Première ligne. J'étais alors en Première littéraire et notre prof de Lettres nous avait inscrits au Goncourt des lycéens. Dans la sélection, je me souviens de  Je m'en vais de Echenoz, de Stupeur et tremblements de Nothomb (et oui c'était la même année!), de Une désolation de Reza. Cela marque mon entrée solennelle dans le monde des lettres: un souvenir fabuleux que ce prix littéraire à décerner.
   Rapidement, le choix d'une partie de la classe s'est porté sur Première ligne, d'autant plus que nous avions rencontré son auteur, à Lyon, à l'auditorium.
         Déjà nous avions apprécié ce pro du discours indirect libre, ce poète romancier qui nous offrait des facettes de la vie, toujours oscillant entre rires et larmes, ton grave et ton léger.

           Par conséquent, c'est avec le sentiment de retrouver une connaissance perdue de vue depuis longtemps que je me suis emparée de Matins bleus à la bibliothèque. J'ai retrouvé la patte Laclavetine : les interventions du narrateur, le DIL, l'humour, un regard plein de compassion pour ses personnages.

Dans Matins bleus, on suit une journée de mai dans une gare, salle des pas perdus (quelle belle expression quand on y pense). Heure par heure, minute par minute presque, le lecteur suit 15 vies qui se croisent. Quinze personnes dont on suit les pensées, l'espace de quelques pages, avec des phrases qui commencent in medias res et qui s'interrompent sans crier gare.
  Mais pas seulement: on suit aussi le  point de vue quasi-omnicient de Ange, qui repeint en bleu la verrière de la gare, et qui du haut de sa nacelle, porte évidemment bien son nom. Il est attentif à tous ces grands et petits événements qui ont lieu en bas.

Voici une conversation de Anita et Léo, mère et fils que l'on retrouve de manière récurrente: ils tiennent le tabac presse de la gare: on y décèle déjà bien l'humour du narrateur, son point de vue omniscient, et l'atmosphère délétère qu'il installe. Pour un matin de mai, bleu n'est pas vraiment la couleur attendue...

"Anita a pris son fils par le bras, elle le secoue dans l'espoir peut être qu'il en tombe des prunes, Léo agite l'épaule et pousse un meuglement typique d'adolescent, tel que déjà le fils de Cro-Magnon devait en pousser, cet espéranto de l'acné qui ne connaît ni siècles ni frontières.

- Qu'est-ce qu'il t'a dit? poursuit la mère. Il ne t'a pas mêlé à ses histoires, au moins?

- Meuh questu délires. Faut te calmer, là. Quoi tu parles, là, maugrée Léo en se dégageant.

(Un souci de rigueur ethnologique a poussé le narrateur à reproduire la diction et les tournures de l'adolescent. Par la suite, ses propos seront autant que possible traduit en langage humain standard.)

Une bande de pigeons traversent le hall. Un client s'impatiente devant la caisse, ses doigts pianotent sur ses achats, Challenges, Le point et le dernier paneton de Robert Ludlum. Allez, au boulot.

   C'est un matin bizarre. Il y a dans l'air une odeur changeante."



jeudi 26 mars 2015

Expo 58, de Jonathan Coe, parodie de roman d'espionnage qui fleure bon l'humour british

Le titre énigmatique n'a pas laissé de m'intriguer, en citoyenne du XXI ème siècle que je suis, car les expositions universelles m'apparaissent davantage comme des images en sépia de la tour Eiffel fort lointaines, et je n'y ai pas vu tout de site (avant de lire la 4e de couverture) l'allusion à l'expo de Bruxelles en 1958.


 Nous voilà donc transporté dans le monde de 1958, tiraillé entre son désir de bâtir un avenir radieux, et de rester ancré tout de même dans le passé même s'il est douloureux.
Je vous ai parlé d'humour british: l'action débute à Londres, où Thomas Foley vient de devenir père dans sa petite banlieue et où le seul suspens de la journée va être de savoir s'il y a assez de talc ou de goutte contre les coliques des bébés à la pharmacie. Au ministère de l'information non plus, rien de folichon: alors quand on lui propose de se rendre à Bruxelles pour superviser la Pavillon britannique et surtout le pub le Britannia censé incarner leur bonne vieille Angleterre (surtout le lieu où ils vont se pinter pas cher), parce que sa maman est belge: notre english ne se le fait pas dire deux fois.
Emmener femme et enfant? Diantre non! Et la liberté alors? Le nouveau monde? Le progrès? L'Atomium?
 Les situations cocasses et les rencontres savoureuses s'enchaînent pour le plaisir du lecteur. qui voit poindre à regret à la fin du roman une certaine nostalgie (de ces années 50?) au détriment de l'humeur joviale dans laquelle il était entraîné jusque là.
 Mes personnages préférés sont sans nul doute Wayne et Radford, Dupont et Dupond du Ministère de l'Information britannique, agents secrets qui suivent à la trace Foley et interviennent de temps à autre pour lui confier une "mission". Chacune de leur intervention est un dialogue basé sur des stichomythies, l'un finissant les phrases de l'autre. Voici un extrait de leur première entrevue avec Thomas Foley:

"- C'est effarant!
- Effarant en effet. Vous connaissez?
- Je connais qui?
- Les toilettes des hommes à Hyde Park Corner?
- Non, répondit Thomas en secouant la tête.
- Tant mieux, c'est plus sage. Mieux vaut les éviter.
- Passer au large.
- Est-ce que vous seriez en train de me demander si je suis homosexuel par hasard?, s'écria Thomas le visage empourpré par l'indignation.
Wayne la trouva excellente."Allons donc, mon cher, Qu'est-ce qui peut vous faire penser à une chose pareille?"
- Qu'allez-vous chercher là?
- Quelle idée saugrenue!
- La chose ne nous a jamais effleurés.
- Voyons, vous n'êtes manifestement pas plus homosexuel que membre du parti communiste.
Thomas se radoucit." Tant mieux, alors. Il y a des choses avec lesquelles on ne plaisante pas.
- Entièrement d'accord, cher ami.
- Et donc, glissa Radford, vous n'êtes pas membre du parti communiste?
- Non, je ne le suis pas mais, encore une fois, pourriez-vous m'expliquez à quoi rime cet interrogatoire?"