jeudi 26 mars 2015

Expo 58, de Jonathan Coe, parodie de roman d'espionnage qui fleure bon l'humour british

Le titre énigmatique n'a pas laissé de m'intriguer, en citoyenne du XXI ème siècle que je suis, car les expositions universelles m'apparaissent davantage comme des images en sépia de la tour Eiffel fort lointaines, et je n'y ai pas vu tout de site (avant de lire la 4e de couverture) l'allusion à l'expo de Bruxelles en 1958.


 Nous voilà donc transporté dans le monde de 1958, tiraillé entre son désir de bâtir un avenir radieux, et de rester ancré tout de même dans le passé même s'il est douloureux.
Je vous ai parlé d'humour british: l'action débute à Londres, où Thomas Foley vient de devenir père dans sa petite banlieue et où le seul suspens de la journée va être de savoir s'il y a assez de talc ou de goutte contre les coliques des bébés à la pharmacie. Au ministère de l'information non plus, rien de folichon: alors quand on lui propose de se rendre à Bruxelles pour superviser la Pavillon britannique et surtout le pub le Britannia censé incarner leur bonne vieille Angleterre (surtout le lieu où ils vont se pinter pas cher), parce que sa maman est belge: notre english ne se le fait pas dire deux fois.
Emmener femme et enfant? Diantre non! Et la liberté alors? Le nouveau monde? Le progrès? L'Atomium?
 Les situations cocasses et les rencontres savoureuses s'enchaînent pour le plaisir du lecteur. qui voit poindre à regret à la fin du roman une certaine nostalgie (de ces années 50?) au détriment de l'humeur joviale dans laquelle il était entraîné jusque là.
 Mes personnages préférés sont sans nul doute Wayne et Radford, Dupont et Dupond du Ministère de l'Information britannique, agents secrets qui suivent à la trace Foley et interviennent de temps à autre pour lui confier une "mission". Chacune de leur intervention est un dialogue basé sur des stichomythies, l'un finissant les phrases de l'autre. Voici un extrait de leur première entrevue avec Thomas Foley:

"- C'est effarant!
- Effarant en effet. Vous connaissez?
- Je connais qui?
- Les toilettes des hommes à Hyde Park Corner?
- Non, répondit Thomas en secouant la tête.
- Tant mieux, c'est plus sage. Mieux vaut les éviter.
- Passer au large.
- Est-ce que vous seriez en train de me demander si je suis homosexuel par hasard?, s'écria Thomas le visage empourpré par l'indignation.
Wayne la trouva excellente."Allons donc, mon cher, Qu'est-ce qui peut vous faire penser à une chose pareille?"
- Qu'allez-vous chercher là?
- Quelle idée saugrenue!
- La chose ne nous a jamais effleurés.
- Voyons, vous n'êtes manifestement pas plus homosexuel que membre du parti communiste.
Thomas se radoucit." Tant mieux, alors. Il y a des choses avec lesquelles on ne plaisante pas.
- Entièrement d'accord, cher ami.
- Et donc, glissa Radford, vous n'êtes pas membre du parti communiste?
- Non, je ne le suis pas mais, encore une fois, pourriez-vous m'expliquez à quoi rime cet interrogatoire?"