dimanche 29 janvier 2017

L'amie prodigieuse, Tome 3: Celle qui fuit et celle qui reste




J'avais dévoré cet été les deux premiers tomes d'Elena Ferrante: L'amie prodigieuse, et le Nouveau nom, et je me suis jetée évidemment sur ce tome 3 sorti en janvier 2017.


Cela va être une saga en 4 volumes, qui raconte 50 ans d'histoire italienne et d'amitié entre les deux héroïnes: Elena et Lila.
A l'image des premières de couverture, on suit les deux filles qui grandissent: leur enfance dans le tome 1, leur adolescence et jeunesse dans le Nouveau nom, puis ce qu'elle appelle "époque intermédiaire" (la trentaine quoi) dans Celle qui fuit et celle qui reste.
La narratrice c'est Elena Greco, qui est fascinée par son "amie prodigieuse "Lila Carraci. Elle narre leurs bêtises, leurs sentiments, leurs amours, leurs échecs. 
Cela commence à Naples dans les années 50, et le climat sulfureux ne va faire que s'accroître au fil de la lecture: vont se mêler l'intime des filles, l'histoire à l'odeur de poudre des bouleversements politiques, les mouvements féministes protestataires dans un Italie en marche vers la modernité, dans les années 70. 
C'est dense, c'est passionnant. La galerie des personnages est foisonnante: à tel point que l'auteur rappelle au début de chaque tome les différentes familles napolitaines et leurs relations entre elles.
Je dis l'auteur car j'ai appris que Elena Ferrante était un pseudonyme, donc mon envie de rapprocher la narratrice (qui s'appelle aussi Elena) et d'en faire une saga autobiographique est retombée comme un soufflé.
Encore une fois je me sens manipulée en tant que lectrice, car je n'ai pas toutes les clés: on me fait rêver, on excite ma curiosité et on me laisse échafauder des hypothèses et l'on doit bien rire de ma crédulité.
Plus j'y pense, plus je trouve des rapprochements (je ne peux pas m'en empêcher décidément) avec le De Vigan : D'après une histoire vraie. Deux femmes dont l'une très dépendante de l'autre, influençable, manipulable. Un écrivain: Elena écrit et publie un livre. Souffrance de ne plus pouvoir écrire, angoisse de la page blanche. Beaucoup de points communs décidément!
Vertige transmis au lecteur qui tour à tour s'attendrit sur Elena puis sur Lila, puis s'énerve contre les deux, qui ne sait plus laquelle est "celle qui fuit" et laquelle est "celle qui reste", qui croyait le savoir et voit en fait (une fois de plus) ses hypothèses anéanties.
D'ailleurs qui est cette "amie prodigieuse" au fond? Au début on pense évidemment que c'est Lila, vu l'admiration qu'éprouve Elena. Puis en tant que narratrice, elle veut peut-être nous montrer à quel point elle est une amie prodigieuse pour cette Lila égoïste, méchante, machiavélique. Puis on se rappelle qu'Elena est écrivain et a fort bien pu manier la plume à son avantage, car, de fait, nous n'avons que son point de vue exclusif, même lorsqu'elle rapporte les paroles de Lila.

Une histoire passionnante, vous dis-je.

"Je fus une auditrice attentive et la laissai parler. Certains épisodes de son récit me troublèrent beaucoup, surtout lorsque son visage ainsi que le rythme douloureux de ses phrases subissaient une soudaine et douloureuse contraction. J'éprouvai un fort sentiment de culpabilité et pensai: cette vie pourrait être la mienne, et si ce n'est pas le cas, c'est aussi grâce à elle. J'eus parfois envie de la prendre dans mes bras, et très souvent je voulus lui poser des questions ou faire quelques commentaires. Mais en général je résistai, et ne l'interrompis qu'à deux ou trous reprises.

En effet, les deux petites réussissant à l'école, on les a poussées à poursuivre leurs études, mais dans l'Italie des années 50, la tâche se révélait ardue. Le caractère mauvais de Lila fantasque, exigeante lui a fait renoncer tandis qu'Elena s'est acharnée et a finalement réussi, mais toujours avec un sentiment de redevabilité à cette "amie",  un manque de confiance agaçant, et une culpabilité énervante. Car enfin, elle a toutes les qualités, cette Elena, pourquoi diable retourne-t-elle sans cesse vers cette amie et vers cette Naples tumultueuses qu'elle s'est dépêchée pourtant de fuir?



jeudi 12 janvier 2017

Mémé dans les orties, de Aurélie Valognes

Ferdinand Brun, du haut de ses 83 ans, est bougon, taciturne, acariâtre, misanthrope. Il peste à longueur de journée contre ses voisines, et leur en fait voir de toutes les couleurs. Il en veut à tout et tout le monde, sauf sa chienne Daisy, seule femme de sa vie qui ne l'ait pas trahi. Mais le jour où Daisy disparaît, rien ne va plus pour notre octogénaire solitaire et aigri. Mme Claudel , une nonagénaire voisine de palier, et Juliette, "la gamine du dessus", forcent littéralement sa porte et déboulent dans sa vie. Quel toupet! Que lui veulent-elles à la fin? L'aimer? Allons bon!



Roman fort sympathique, drôle et attendrissant. C'est à mi-chemin entre Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, en un peu moins déjanté et Comment braquer une banque sans perdre son dentier. Les vieux prennent décidément le pouvoir en littérature! L'ensemble est bon enfant, fonctionne très bien. On regrette juste que Ferdinand, au coeur au début si sec et qui pousse mémé dans les orties (c'est ce qui est drôle d'ailleurs), change finalement assez vite et fonde dans de bons sentiments à la fin (moins rigolo).
Chaque chapitre a comme titre une expression imagée et rigolote: "on n'est pas sorti de l'auberge", ou bien "tourner au vinaigre", ou encore "c'est le bouquet!"
 
" Sans arme, ni haine, ni violence."
- ce serait pas mal comme épitaphe, réfléchit à haute voix Ferdinand. Le problème, c'est que ça n'a pas vraiment de rapport avec moi, conclut-il, plongé dans la biographie de Spaggiari, voleur sans violence. Il me faudrait plutôt quelque chose comme: "Enfin tranquille! Sans regret, ni larmes, ni chieuses".Je sais pas si on me laissera mettre "chieuses". En même temps, si c'est dans le dictionnaire, il n'y a pas de raison. Je vais vérifier."
(...)
"Eh bah non!"Chieuse" n'est pas dans le dictionnaire! C'est la meilleure! Il faudra qu'on m'explique pourquoi on y met que des mots qui servent jamais.(...) C'est peut-être mon dictionnaire qui est trop vieux.1993. Les chieuses existaient déjà non?"

mercredi 11 janvier 2017

Nous les menteurs de E. Lockhart

La famille Sinclair est LA famille américaine idéale, et idéalisée, idolâtrée par tous ceux qui les approchent. Ils ont tout pour eux, même une île paradisiaque sur laquelle ils se rejoignent tous les étés. La narratrice Cadence Sinclair est la première petite fille, par conséquent l'Héritière de la fortune. Seulement Cadence n'a pas envie du tout de suivre tout ce que sa mère lui ordonne, pour bénéficier de cette héritage.  Les grands parents Sinclair ont fait construire à chacune de leur fille une maison sur leur île, et les petits enfants devenus ados sont ravis de se retrouver pour faire leurs quatre cents coups estivaux: Cadence, Mirren, Johnny et Gat. Jusqu'à "l'été 15" comme l'appelle Cadence. Eté où le vernis de la famille parfaite va se craqueler, où un drame va se jouer.




Un roman pour ados construit avec des flashbacks car la narratrice est amnésique sur cet été où il y a un drame, et recouvre peu à peu la mémoire. Il y des retours à la ligne façon poèmes que je trouve mièvres lors de l'histoire d'amour de la narratrice (évidemment: des ados, l'été, une île, de la bière, passage obligé): en voici un exemple:
"Nous demeurons immobiles, dans les bras l'un de l'autre, pendant une minute ou deux,
et l'univers semble se remettre enfin en place,
et je sais que toute trace de colère en nous est effacée.
Gat embrasse ma bouche et caresse mes joues.
Je l'aime.
Je l'ai toujours aimé.
Nous restons là-haut sur le toit pendant un long, très long moment. Pour toujours."

Nous aurons l'explication finale, la fin du suspens qui aura duré tout le livre dans le dernier chapitre. 

dimanche 8 janvier 2017

Miss Peregrine et les enfants PARTICULIERS de Ransom Riggs

             Je croyais que ce roman allait être porteur de féerie, de magie et d'espoir, jusqu'à ce que  j'observe la 1ère de couverture: une photo en noir et blanc d'une fillette du début du XXème siècle sans doute, peu souriante, et en train de ... léviter à 20 cm du sol.
J'avais donc élucider le mot "PARTICULIERS".  Restait le mot "enfants" qui me faisait penser aux orphelins Baudelaire: sans doute donc une histoire d'enfants orphelins aussi.  Le nom d'une femme seule m'a également incité à penser à Nanny McPhee. 
      En réalité c'est une histoire encore plus sombre que cela qui s'étale entre ces pages. Il y a des voyages dans le temps, il y a des orphelins avec des pouvoirs, il y a une dame puissante qui s'occupent d'eux. Mais pas seulement. 
  Ce livre est truffé de photographies en noir et blanc existantes, du début du XXème siècle, et très étranges. Truquées, angoissantes, voire terrifiantes, elles installent un climat de peur et d'oppression qui plane sur le lecteur. 




C'es donc avec beaucoup d'appréhension que je tournais les pages de ce roman fantastique, qui place son récit en septembre 1940 en plein nazisme et persécution des juifs en Angleterre, et de nos jours aux Etats Unis. 
La période historique choisie n'est guère propice à la magie, vous l'aurez compris, ni à la féérie.
      Jakob vit de nos jours aux Etats Unis et n'a pas beaucoup d'amis pour un ado de 16 ans. Sa famille est riche et il fait tout pour se faire virer de son job d'été, qu'il n'a eu que parce que l'entreprise appartient à sa mère. C'est un ado sans histoires, un peu tristounet qui nous raconte son admiration sans bornes pour son grand-père. Celui-ci passait son temps à lui narrer des histoires  incroyables d'enfants aux pouvoirs extraordinaires, d'une île paradisiaque où il avait grandi après avoir été chassé de Pologne parce que juif, et après avoir vu tuer toute sa famille par le nazisme.

Ce livre m'a fait très peur, et j'étais pressée de le terminer, non seulement parce qu'il est assez prenant, c'est vrai, mais aussi parce que je ne suis guère friande de ce récit à vous hérisser les cheveux sur la tête. Les clichés y sont pour beaucoup. Le suspens latent également.