jeudi 10 avril 2014

Karoo, de Steve Tesich, ou la noirceur cynique à l'état pur.

     Je l'avoue, c'est d'abord, la couverture qui m'a interpellée et attirée. Gris miroir, avec deux hommes qui s'empoignent et dont on ne voit pas la tête. Elle est assez à l'image de la noirceur tragique du roman, de sa violence latente.



      Trois parties: New York, Los Angeles, Sotogrande, où l'on suit Saul Karoo dans ses délires et ses névroses. Egoïste et pathétique, il est script doctor,  a fait fortune en saccageant des chefs d'oeuvre du cinéma pour les rabaisser aux exigences hollywoodiennes. Tout le monde l'appelle Doc, et le tient en haute estime, son fils Billy y compris, alors que Karoo est incapable de quelque démonstration affective que ce soit, sauf s'il y a un public pour voir ça.
Karoo a tellement ingurgité de vodka dans sa vie que cela ne lui fait plus rien, et qu'il en est réduit à mimer l'ivresse en soirée pour contenter tout le monde et parfaire sa réputation.
        Puis sa pauvre vie l'amène à rencontrer Leila Millar, jeune actrice pathétique elle aussi, qui rêve de devenir une star, tandis qu'elle est serveuse. Etonnament, il se prend d'affection pour elle, et est prêt à tout faire pour qu'elle connaisse le succès.  Mais comme toujours, s'il fait cela, c'est qu'il y a une raison, un secret inavouable derrière tout cela.

Le début est un peu lent, et l'on voudrait s'attacher à ce personnage, mais c'est absolument impossible: trop cynique, trop mou, trop con: on a envie de l'empoigner comme sur la première de couverture et de le secouer.  On pressent l'inéluctable dans les non-dits, les silences et les regards lourds. Et l'inéluctable arrive.

"Je trébuchais à chaque pas, tanguais et titubais, je bousculais les gens, m'excusant d'une voix enrouée quand je renversais un peu du contenu de leur verre, avant de continuer ma route en faisant de mon mieux pour avoir l'air ivre, et donc, normal. Cela ne m'amusait pas du tout d'être un imposteur. C'était déjà assez gênant d'être un alcoolique rasoir et irresponsable, qui de surcroît commençait à prendre de l'âge, sans maintenant devoir assumer une nouvelle identité dans le but de dissimuler un autre problème, bien plus calamiteux celui-là."


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