dimanche 30 juin 2013

Lettre à mes tueurs, de René Frégni, un polar marseillais caniculaire et trépidant

Né en 1947 à Marseille, René Frégni a déserté l'armée après de brèves études et vécu pendant cinq ans à l'étranger sous une fausse identité. De retour en France, il a exercé différents métiers avant d'animer des ateliers d'écriture dans les prisons d'Aix-en-Provence et de Marseille où il a pu côtoyer le monde de la pègre et des voyous qu'il connaît bien.
C'est le Parrain des "Pontons flingueurs", il en a l'élégance et le mystère...



 Lettre à mes tueurs se passe à Marseille, évidemment. Sous une canicule accablante et son toit brûlant, le héros est en mal d'inspiration. Pierre, écrivain, se bat avec la page blanche, et se lamente sur sa vie trop paisible. Surgit alors comme un deux ex machina un ami d'enfance, figure du grand banditisme, traqué par la police et le milieu, qui lui demande un "service": il lui confie une cassette et un numéro de téléphone avant de disparaître par les toits...
  L'auteur en mal de fiction devient alors personnage dont la réalité sans concessions le dépassera complètement. Mais pour sauver sa peau, on déploie parfois un talent et une force sans commune mesure.

J'ai beaucoup apprécié partager avec le personnage la traque, avoir le point de vue de mecs en cavale, on sent qu'il y a "du vécu". Le tout baigné du soleil phocéen, c'est juste parfait en ce début d'été. Marseille est l'héroïne principale: le narrateur en est nostalgique, amoureux. Les flics sont inexistants, j'apprends le style de Frégni, et il me plaît.

 Extraits:
    "Je retrouvai l'air libre, la douceur des nuits d'été, le bourdonnement lointain de la ville. Quelques heures de cellule suffisent pour vous faire redécouvrir toute la beauté d'une nuit d'été." (...)
    "Marseille est une ville qui vous enlève le goût de voyager, d'une rue à l'autre vous changez d'odeurs, de bruits, de continents. D'avenues tirées à quatre épingles aussi propres que la Suisse, je débouchais sans les dédales de Naples ou la banlieue d'Alger. vous traversez la terre en une nuit et vous tombez soudain sur des mâts qui se balancent en plein milieu de la ville.
      Au cours de leur voyage les étoiles n'ont pas trouvé plus beau miroir que le Vieux-Port. J'y arrivai à l'instant où le jour redessinait en rose 'église Saint-Laurent et celle des Accoules, et je mourais d'envie de tenir sous mon nez un vrai café.
      Les premiers bistrots sortaient guéridons et fauteuils, quai de Rive-Neuve. Je dépassai la place aux Huiles et allai m'installer au bar de la Marine face aux milliers de voiliers blancs qui dansaient comme autant de mouettes assemblées en un paisible sommeil.
     C'était cela Marseille, le merveilleux sommeil des mouettes au creux du matin rose et cet ami d'enfance qui perdait son sang dans une rue derrière." 

Les Pontons Flingueurs, Festival du polar à Annecy, édition 2013!

Hier, ambiance pluie polar sur la Venise savoyarde, la brume mâtinait les sommets et nous embarquâmes sur le Cygne, le coeur hésitant entre délice et appréhension...




La journée fut aux antipodes de la météo: chaleureuse, conviviale et bon enfant. J'ai pu approcher Simonetta Greggio (une habituée d'Histoires d'en parler), Gilbert Gallerne (dont je me suis procuré Teddy est revenu: son héroïne s'appelle Laura ;)  , René Frégni (inventeur du nom" Les Pontons flingueurs", il Padrino!!), Laurent Guillaume (flic et belle gueule, écriture sans concession), Elsa Marpeau (expatriée à Singapour) , Clélia Ventura (fille de Lino, sisi!), Jean-Bernard Pouy (créateur du Poulpe et homme étonnant), Patrick Raynal (tonton flingueur par excellence: il en a la gueule et le verbe), Laurent Astier (jeune auteur de BD prometteur), Jean Paul Carminatti (avocat et écrivain nous racontant son drame familial tragi-comique dans Le Petit dernier), André Fortin (juge marseillais fort de son expérience...).

  Journée donc riche en rencontres, en bons mots, et bons mets... Vivement l'édition 2014, sous le soleil exactement!

vendredi 28 juin 2013

Escale à l'auberge du Père Bise à Talloires: rencontre avec Laurent Guillaume, auteur des Eaux Troubles

Toujours sur Le Cygne, nous naviguons vers Talloires, vers le célébrissime restaurant Le Père Bise, que je rêve de connaître depuis toute petite. Ce sera ma première fois, et je rencontrerai Laurent Guillaume, auteur des Eaux troubles.

   
   Il y a d'abord la préface d'Olivier Marchal, qui donne le ton au polar. Un ancien flic qui sait de quoi il parle. Ce roman nous plonge dans une atmosphère âpre, une réalité sans concession, un jargon policier somme toute assez jouissif. J'ai vraiment accroché à ce polar, le personnage de Mako (je vais d'ailleurs me procurer le roman éponyme) est très attachant et bien ficelé: il me fait penser au flic de Braquo, même gueule dure, même honneur. On a l'impression d'être avec eux tout du long, de vivre un Sig dans la main et de descendre dans les caves et la noirceur humaine avec eux. De bons rebondissements et une noire ambiance, bon cocktail pour faire un bon roman policier.

 Extrait:
"La BAC 47 glissait entre les pavillons endormis de la banlieue parisienne. La nuit, glaciale en cette fin octobre, n'en finissait plus. Le moteur de la grosse berline tournait au ralenti, ronronnant, berçant les trois occupants de la voiture, les plongeant dans une torpeur maligne. Des lambeaux de brume colonisaient les rues désertes, nimbant les silhouettes  des villas d'une auréole sombre et fantomatique. Mako, assis à l'avant dans le confortable siège du passager, soupira bruyamment vers sa vitre. la chaleur humide de son souffle la voila. Du doigt, il dessina dans la buée un oeil ouvert, inquisiteur et impitoyable."

Escale à Doussard pour un déjeuner littéraire

On poursuit notre périple sur le lac pour rencontrer Jean Bernard Pouy: prochain arrêt sur le ponton de Doussard!


   Ce n'est pas un roman policier, mais je m'en suis emparée car c'est d'abord un objet magnifique, orné de tableaux de Pinelli qui viennent illustrer le texte de Pouy. Celui-là est dans ma PAL, après ma parenthèse polar...


Festival du polar "Les pontons flingueurs" à Annecy: c'est ce week end!

C'est parti! Toute la semaine,  j'ai lu différents polars en vue de rencontrer leurs auteurs demain.
 Au programme: -Les salauds du lac, de Gilbert Gallerne
                         -  Les eaux troubles, de Laurent Guillaume
                         - Lettre à mes tueurs, de René Fregni
                         - L'expatriée, d'Elsa Marpeau


     Nous embarquons sur le bateau Le Cygne demain à 9h30, direction Sevrier, pour rencontrer Gilbert Gallerne, auteur des Salauds du lac.


     Avec le personnage Le Poulpe, ce roman m'a captivée car il se passe à Annecy! J'ai adoré imaginer l'intrigue au coeur de la vieille ville, sur les abords du lac, retrouver des noms de lieux connus (Saint Martin de Bellevue).   C'est efficace, très prenant, j'ai dévoré le livre en quelques heures.

      Trois corps sont repêchés dans le lac, tous criblés de balles. Le Poulpe à Paris réalise que l'un d'entre eux est une ancienne connaissance du service militaire. Lucien étant fiché comme truand notoire, l'enquête est vite classée. Mais le Poulpe ne croit pas à cette version. Il se rapproche d'Annecy, et de fil en aiguille, se retrouve dans un magnifique château....
 J'ai été aussi surprise par la violence de l'intrigue, la cruauté et la noirceur des personnages.

Un extrait:
     " La matinée était belle et le lac méritait ce matin-là son surnom de "lac Bleu". Sur l'eau froide s'ébattait des cygnes alanguis, que des canards surveillaient à distance. Au loin, la masse des Alpes dominait les eaux dans lesquelles elle se reflétait. Les sommets enneigés disparaissaient sous la brume. L'automne était bien avancé, mais les coteaux tapissés de résineux demeuraient d'un vert profond. L'air était frais, pur, l'atmosphère calme et les eaux limpides. Difficile de croire..."

jeudi 20 juin 2013

La reine des lectrices, Alan Bennett

     Petit roman par son contenu et son intérêt: il m'a copieusement ennuyé, m'est tombé des mains, ce qui n'est pourtant pas mon habitude.

    Imaginer ce qu'il se passerait si la reine d' Angleterre devenait une férue de lecture, le sujet ne m'a pas touchée.

  J'ai besoin de lire pour me perdre, me retrouver, me fondre, m'envoler et rêver.

lundi 17 juin 2013

Romeo et Juliette par la Compagnie Les Yeux Grand Ouverts, mis en scène par Kamel Isker

    Vendredi 14 juin 2013, le Festival Grand Ouvert à la maison de Malaz se clôturait avec la représentation de Romeo et Juliette par la classe théâtre du collège de Seynod, et l'option théâtre du lycée Baudelaire.

     C'était un moment très attendu: d'abord parce que c'était l'apogée du festival, la dernière soirée; ensuite parce qu'après le Hamlet que ces mêmes élèves (une partie) nous avaient présentés, nous avions de grandes attentes. En effet, Hamlet (avec Oscar Montaz dans le rôle titre) avait créé la surprise par l'enthousiasme, l'énergie et le bonheur de jouer qu'avaient montré les comédiens. Dépoussiérer un classique fonctionne toujours, et ce fut le cas avec beaucoup de talent.

    Avec Romeo et Juliette, ils sont allés encore plus haut, encore plus loin: des talents se sont révélés, d'autres se sont confirmés. Le couple à la scène comme à la ville n'en était que plus émouvant (Hugo Lecuit et Alexia Hébrard), la nourrice (Marine Berlanger) formidable de truculence et de charisme, le père Capulet (Thibault Hebrard) magnifiquement inquiétant: bref ces douze adolescents ont l'âge de leur héros et s'en sont emparés de manière magistrale!

    La mise en scène fraîche et enjouée exploitait bien l'humour de Shakespeare. Ils se sont attaqués au mythe de la plus grande histoire d'amour de tous les temps sans complexe et de manière moderne et décalée, et l'ensemble était absolument réjouissant.

    Le cadre de la maison de Malaz a participé à la magie de cette première représentation.
Deux immenses chênes desquels descendaient une boule à facette pour le bal, un rideau noir pour la confession au père Laurent. Juliette se juchait sur deux immenses troncs couchés pour la scène du balcon. Mercutio et Benvolio arrivaient en scooter. Et la scène s'enflamme (littéralement) pour le final.

    C'était une soirée qui confinait au grandiose, et pour des enfants de cet âge, on ne peut que les suivre avec attention, et attendre la suite avec impatience.


jeudi 13 juin 2013

Théâtre: El Gringo, par la Compagnie Théâtre Nomade

     Deuxième spectacle de la journée du 12 juin, on découvre avec surprise la Compagnie Théâtre Nomade, qui se spécialise dans les masques. J'adore les masques depuis toujours, ils me fascinent et me touchent. Et puis on revient aux origines antiques, et ça n'est pas pour me déplaire.
    Voici que les grillons accompagnent le début de la pièce, le soleil se couche, je resserre la couverture sur mes épaules, je ferme les yeux un instant, je me croirais presque à Epidaure....
     Mais non! Point de masques tragiques, mais une comédie burlesque à hurler de rire, un plaisir de faire participer le public, un ton décalé jouissif: voilà El Gringo!

     El Puma, dictateur excentrique, règne sans partage sur Mexico City. Pendant ce temps, Gringo, cowboy au chômage, mange des tortillas devant la télé. Volontaire et pas doué, il se retrouve au service de Pedro Ramirez, chef des révolutionnaires, croyant être adjoint au shérif. Cocasse. Et ce n'est que le début. S'ensuit une série de péripéties accouplées avec des chansons désopilantes. Les sentiments s'expriment en chansons et les conflits avec des pistolets à eau.

   J'ai adoré, tout comme le public à l'unanimité. Une soirée mémorable!





Théâtre: La main de Leïla, par la compagnie Les Yeux Grand Ouverts

       Hier soir, seconde journée du Festival Grand Ouvert, le metteur en scène Grégory Benoit nous présentait une création de deux des comédiens de la troupe: Kamel Isker et Aïda Asgharzadeh, qui ont écrit et interprété cette magnifique histoire qu'est La main de Leïla. 

       Nous sommes en 1988, près d'Alger. Samir et Leïla s'aiment en cachette. Ils se retrouvent toutes les nuits sur une terrasse pour partager leurs rêves, leurs doutes et leurs désirs. C'est l'histoire d'un jeunesse algérienne frustrée et en colère qui attend, à l'image de leur amour, de pouvoir s'accomplir.

        Cette pièce est une merveille, un pur moment d'évasion au goût d'orange et de makrout que les deux comédiens nous livrent avec une énergie et un enthousiasme communicatifs.
         J'en ai apprécié chaque instant: le texte, la musique, le décor: tout concordait à vivre un beau moment de théâtre. Les draps blancs étendus pour sécher volaient dans le vent et le soleil: le fait d'être dehors a ajouté à la magie de cette première représentation.

      Une pièce à découvrir absolument, et une compagnie à suivre!


Théâtre au Festival Grand Ouvert : Oncle Vania de Tchekhov par la Compagnie Midi Trente-neuf

    Le bonheur avec le Festival Grand Ouvert, c'est qu'il se passe à l'extérieur. Et tout à coup on revient à l'essence même du spectacle vivant: on goûte la résonance des voix, le chant des étoiles et celui des grillons, la respiration du public qui goûte à l'unisson le plaisir de l'instant, le plaisir d'être là, et de vivre ce moment-là, avec les comédiens.

      Pour Oncle Vania, la compagnie trente-neuf a très bien exploité le site: Astrov arrive en vélo et dévale la colline, Vania s'énerve avec les branches de sapins, un hamac est suspendu entre deux pins, et la scène s'embrase littéralement à la fin, symbole peut-être des rêves d'existence de Vania qui partent en cendres, de sa solitude inéluctable.
   C'est une très bonne adaptation de la pièce, les comédiens qui jouaient Vania, et Sonia étaient incroyables et ont conquis le public: bref le festival avait fort bien commencé!


mardi 11 juin 2013

La mise à nu des époux Ransome, d'Alan Bennett ou le pastiche du couple sans vergogne

Ce roman est tout simplement déroutant. L'humour anglais y est pour beaucoup. Les personnages restent flegmatiques jusqu'au bout des ongles, et l'on se réjouit de voir secoué leur petit monde bien pensant.


C'est l'histoire de M. et Mme Ransome, couple cul pincé et conventionnel par excellence, qui retrouvent leur appartement intégralement vidé de toutes leurs affaires, jusqu'aux plinthes et au papier toilette. Après un ou deux haussements de sourcils, ils reprennent rapidement le dessus. Monsieur continue d'écouter son Mozart et d'être égoïste, Madame découvre finalement une nouvelle vie dégagée de matérialisme et qu'elle peut rêver. Les conventions et la bienséance sont mis à mal, et révélation: Madame s'éclate à aller chez son petit épicier pakistanais et à s'acheter de fausses perles, ainsi qu'à reluquer son beau voisin en train de faire des tractions.

L'extrait:
"(...) C'était toutes ces possessions, elle en avait l'intuition, qui l'en avait jusqu'alors empêchée. Maintenant, elle allait pouvoir s'y mettre. Et donc, affalée sur sa balle de haricots, au milieu du parquet dénudé de son ancien salon, Mrs Ransome découvrit qu'elle n'était pas malheureuse, que sa situation présente avait une réalité bien plus grande et que, indépendamment du confort qua chacun est en droit d'attendre, ils allaient désormais pouvoir mener une vie moins douillette..."


dimanche 9 juin 2013

Pénélope Bagieu, ou la première illustratrice qui m' a fait rire aux éclats

     Il y a quatre ans quand j'ai découvert le blog "Ma vie est tout à fait fascinante", je me suis empressée d'aller acheter l'album du même nom, et cela a été une révélation. Ainsi donc toutes les autres filles rient et pleurent aussi comme moi? Elle croque des moments de vie et l'on s'identifie forcément, c'est irrésistible, c'est drôle et intelligent.


   Dès lors, je l'ai suivie dans tout ce qu'elle a fait: la trilogie BD Joséphine dont le film va sortir très bientôt(le 19 juin!!!), et qui sent furieusement le vécu: c'est comme si les colères, les frustrations, les jalousies et les envies que l'on connaît toutes avaient été croquées en bande dessinée: un défouloir majestueux!






     Cadavre exquis: premier récit au long cours, aux tonalités de polar.
   Une jeune femme toute gentille et spontanée rencontre un écrivain maniéré et imbu de lui-même, et en panne d'inspiration. Elle va être sa muse, et se construire une vie meilleure. Mais une histoire de cadavre flotte...




  Puis La page blanche: une jeune femme assise sur un banc réalise tout à coup qu'elle ne sait plus qui elle est ni ce qu'elle fait là.
  On constate que le thème de la page blanche, de l'inspiration est récurrent chez Pénélope Bagieu.  C'est une histoire étonnante sur la quête d'identité, où l'on se rend compte qu'il faut se réaliser pour exister, et que l'on vit pour se construire et se souvenir.


Le bon Antoine, Marie Desplechin

Antoine n'est pas un bon élève, mais c'est un bon ami. Et à force d'être trop gentil, il accumule les embrouilles. Le voilà puni, et selon "la loi de Murphy", ce n'est que le début des ennuis...

C'est une bonne histoire collégienne, du même auteur, vous pouvez découvrir La belle Adèle. C'est un peu pétri de bons sentiments, et l'ensemble est assez prévisible, mais cela fonctionne bien, et c'est ce qu'on demande aux romans pour ados.


Voici l'incipit:
 " En haut de la classe, il y a Frédéric Liu. En bas, il y a moi. Non, je rigole. Je suis en bas mais je ne suis pas seul. On est quelques uns à barboter dans la bouillasse, avec Darin Belkacem et Thomas Grandjean. On agite nos nageoires, on se fait une petite concurrence sans prétention. Frédéric n'est pas isolé non plus. ils sont bien quatre ou cinq à se tenir chaud sur son perchoir. Entre les hauteurs et les profondeurs vivote une sorte de marais. Ensemble, nous formons une classe harmonieuse. C'est une réussite collective. Car pour y arriver, il ne suffit pas d'avoir des gagnants, les perdants aussi sont indispensables (ou l'inverse). Les gens comme moi sont donc nécessaire à l'harmonie générale. Pas de quoi avoir honte. Et même: merci moi."

jeudi 6 juin 2013

Bacha Posh, de Charlotte Erlih ou comment vivre quand on est une fille en Afghanistan

      Une Bacha Posh, c'est une fille élevée comme un fils dans les familles afghanes qui n'en ont pas.
Barrukh - ou Barrukhzad- est le barreur de l'équipe d'aviron, et s'entraîne dur pour participer aux JO. Elle profite d'être un garçon pour marcher, parler comme elle veut, être qui elle veut.
Puis un jour, le sang coule, elle est à présent une femme: tous ses rêves s'envolent.... Mais déterminée à retrouver sa liberté, elle va se battre, en trouvant notamment un réconfort dans l'écriture et la lecture.

      Je n'étais pas forcément emballée au début, ni le titre ni la première de couverture ne me parlaient. Puis un sentiment d'empathie naît au bout de quelques pages forcément, lorsqu'on côtoie cette jeune qui traverse toutes ces épreuves juste parce qu'elle est une femme. L'ensemble se lit bien, et se révèle efficace, notamment pour les adolescents.

    Voici deux extraits:
     
    "Les livres ne parlent que de ça: de ceux qui se battent jusqu'à faire triompher leurs désirs, de ceux qui, malgré leurs efforts, ne réussissent pas à faire plier la réalité, ou de ceux qui baissent les bras sans lutter. De ces trois catégories, les seuls vraiment malheureux sont ceux qui n'essaient pas. Qui renoncent. Qui subissent.
  Je ne veux pas me morfondre dans mon coin en maudissant le sort. Je n'aime pas ce rôle. Je vais continuer à me battre.
   Voilà mon identité: lutter."


     "- C'est avec ce livre que j'ai compris que toutes les blessures de coeur, même les plus profondes, finissent par se recoudre, murmure-t-il. Il faut juste du temps. Beaucoup de temps parfois. Mais ça passe.
  Je lui demande à quoi ça va me servir tout ça, ces livres, ces histoires, ces rêves, ces pensées, si mon destin est de rester confinée dans une maison, de me marier et d'avoir des enfants. "C'est précisément parce que tu vas être enfermée qu'il est primordial que tu aies ton jardin intérieur. Celui-là, personne ne pourra t'empêcher de t'y promener. Toi seule en auras les clés."
    Nous restons un moment silencieux."






mercredi 5 juin 2013

Festival du polar à Annecy!

    Du 27 au 29 juin, la 2ème édition du festival du polar investit les bords du lac. Les pontons flingueurs sont de retour! Avec comme marraine la fille de Lino Ventura, ce sera l'occasion de nager en eaux troubles avec une quinzaine d'auteurs, de louvoyer dans de prestigieux restaurants, de s'encanailler sur le Cygne ou la belle étoile!  Ca va cogner pour nos palpitants!

http://lespontonsflingueurs.com/festival


mardi 4 juin 2013

La plume douce et délicate d'une romancière islandaise

    Alors certes le nom de cette professeur d'histoire de l'art, Audur Ava Olafsdottir,  a des sonorités gutturales, mais son premier roman traduit en français, Rosa Candida est une merveille de douceur et de délicatesse.
    Arnljotur, vingt-deux ans, passe son temps le nez dans les roses. Sa passion dans la vie? Le jardin et les fleurs. Et puis une nuit, dans une serre, allongés sur des rosa candida, Ana et lui s'aiment. Ils viennent de se rencontrer, ils se connaissent à peine, mais leur existence va être bouleversée, car en Islande, les filles naissent bien dans les roses...


 

De cape et de crocs, la plume et le panache en bande dessinée

    Si vous êtes amateurs de théâtre, de commedia dell arte et de cape et d'épées; si vous aimez les voyages sur la lune et les aventures rocambolesques; si vous goûtez les bons mots et les bons mets, alors cette série de BD de Ayroles et Masbou est faite pour vous!
   Dix tomes pour savourer l'histoire de Armand Raynal de Maupertuis et de Don Lope de Villalobos y Sangrin, gentilshommes désargentés, fins bretteurs et beaux parleurs, qui s’emparent de la carte du fabuleux trésor des îles Tangerines. Laissant derrière eux les dames de leurs pensées : Hermine, la fière Gitane, et Séléné, la ravissante ingénue, nos héros se jettent dans la grande aventure !
     
L'occasion de redécouvrir toute la "pièce" se présente puisque le dernier acte (tome 10) est sorti dernièrement. Allez découvrir toute la grâce et la poésie de ce récit passionnant, assorti de dessins au panache luxuriant. Bonne lecture!


 LES 10 TOMES: 10 ACTES




lundi 3 juin 2013

Blacksad, ou le mariage de la plume polar et du crayon de La Fontaine

    Aimer la bande dessinée, et ne pas connaître Guarnido, c'est comme déguster un repas sans dessert. Il FAUT que vous vous plongiez dans Blacksad, mon détective préféré, après Sherlock Holmes (mais c'est un homme ça ne compte pas)




  Inspiré sans doute par La Fontaine, Guarnido brosse des caractères plus vrais que nature: le héros est un chat séduisant et chafouin, l'inspecteur un berger allemand, le tenancier de bar un porc, le journaliste à l'hygiène douteuse une belette ("Weekly" car il ne se lave qu'une seule fois par semaine). Vous l'aurez compris, la critique de la société est toute entière dans le choix des animaux pour dépeindre les personnages, et comme dans les Fables, c'est d'autant plus efficace et savoureux. Blacksad est lui-aussi un chef d'oeuvre.
Bonne nouvelle: le tome 5 est en préparation, et arrive incessamment sous peu!

Comment surprendre après Harry Potter?

Fan inconditionnelle de l'univers d' Harry, j'éprouvais cette peur presque panique d'être déçue par Une place à prendre, son premier roman pour adultes, lorsqu'il est sorti. Mais je ne pouvais tout de même pas laisser passer cela. Il fallait que j'en ai le coeur net.
Je me suis donc lancée, tambour battant.
Me voilà à Pagford, petite bourgade aux allures proprettes et idylliques. Un notable meurt. Une place est à prendre. Se réveillent alors des jalousies, des hypocrisies, des âmes noires. Une comédie de moeurs grinçante et glaçante où l'on ne rit pas tant que ça. Comme à son habitude, elle a bien brossé les personnages, et l'on ne lâche pas le livre malgré les longueurs. Le dernier acte nous coupe le souffle, nous étions tellement choqués par tant de noirceur, que l'on ne s'était pas aperçu du compte à rebours.
Me voilà rassurée: JK Rowling reste une plume à suivre.

dimanche 2 juin 2013

Amateurs de théâtre, ouvrez grand vos yeux!

    Oyez, oyez, du 10 au 14 juin 2013, à la maison de Malaz à Seynod, s'ouvrira la troisième édition du Festival Grand Ouvert. La compagnie Les yeux grand ouvert, Grégory Benoit et Elsa Rozenknop nous attendent nombreux pour partager poésie, rire, musique, et autres bonheurs des soirs d'été. Célébrons ensemble le spectacle vivant et les joies du plein air! Au programme, du Molière, du Tchekhov, du Shakespeare, mais aussi des créations de la compagnie comme La main de Leïla.
Vous pouvez vous procurer des pass à l'auditorium de Seynod dès à présent.
Bon festival à tous!


Blandine Le Callet, une femme- écrivain à la plume acérée, et troublante

Le premier roman que j'ai découvert, c'est Une pièce montée:

La structure de ce roman est intéressante et originale: comme le titre l'indique, nous allons assister à un mariage (rien de bien extraordinaire jusque là) , et pourtant chaque chapitre correspond au point de vue d'un invité. Et l'on comprend très vite que le but est de faire valser les convenances, éclater le conformisme bourgeois, pétiller un ton insolent somme toute de bon aloi. Le style est piquant et réjouissant. Voici un extrait: l'apogée d'un mariage, c'est la pièce montée, et Blandine le Callet prend un plaisir minutieux et malin à la faire voler en éclat:

"   A présent, le dîner touche à sa fin. Cette interminable journée n'a pas été la sienne; il s'est contenté d'accomplir avec docilité ce qu'on attendait de lui. Il a embrasse sa femme, et il l'a trouvée belle et désirable, mais jamais elle ne lui a semblé si lointaine. Et maintenant c'est presque fini. Il dansera un peu, puis il lui dira la vérité: qu'il est épuisé, qu'il va se reposer dans leur chambre, la "suite nuptiale" réservée pour l'occasion.
      La pièce montée arrive, sur un plateau immense portée par deux serveurs. Il voit osciller au rythme de leur marche cette tour de Babel en choux à la crème, surmontée du traditionnel couple de mariés. Il se dit: C'est moi, ce petit bonhomme, tout en haut. C'est moi.
      Il se demande qui a pu inventer un gâteau aussi ridicule. Cette pyramide grotesque ponctuée de petits grains de sucre argentés, de feuille de pain azyme vert pistache et de roses en pâte d'amande, cette monstruosité pâtissière sur son socle de nougatine. Et ce couple de mariés perché au sommet, qu'est-ce qu'il symbolise, au juste? Les épreuves surmontées à deux? L'ascension périlleuse jusqu'au septième ciel? La prétention de ceux qui s'imaginent que l'amour va durer toujours?
     Il paraît que si le gâteau est monté trop tôt, les choux se détrempent et s'affaissent, le caramel se dissout, et tout dégringole. C'est peut-être ça, le message, au fond: vous êtes bien mignons aujourd'hui, mes petits mariés, mais attendez encore un peu; votre joli petit couple va en prendre plein la figure, et vous allez ramasser en beauté."

Comme j'ai adoré le ton décapant de ce roman, j'ai enchaîné avec La ballade de Lila K:


Il y a indéniablement du Georges Orwell et du Ray Bradbury dans ce roman qui vous saisit à la gorge. C'est l'histoire d'une petite, Lila K qu'on a arraché à sa mère, et qui est prise en charge par une société totalitaire et ultra sécuritaire. Ce monde froid et désincarné vous glace le sang, et l'on suit avec admiration et tendresse les pas de Lila, asociale, meurtrie, surdouée, et sa lente remontée vers la lumière pour retrouver sa mère. Quel courage et quelle force! Une leçon sur la force du lien et du pardon. 

     "Certains jours, quand ça devenait trop dur, je montais sur le toit pour me faire une séance de kaléidoscope. Durant quelques minutes, j'envoyais tout promener, les immeubles par dessus les moulins dans un tourbillon de couleurs. Je m'arrachais les yeux, mais ça me soulageait. Ensuite, je me mettais à déclamer des vers, à hurler des insanités, comme autrefois avec M. Kauffmann. Cela faisait un bien fou, tous ces putain d'Adèle et ces bordel à cul, au milieu des alexandrins. Revenue dans ma chambre, je passais des heures à lire le dictionnaire, choisissant les termes les plus rares et les plus compliqués, dont j'apprenais par coeur la définition."

Puis cette année 2013, elle a sorti Dix rêves de pierre:


Le style de Blandine le Callet se retrouve là encore: une plume troublante, aux confins du morbide, qui choisit cette fois de nous conter, à partir d'épitaphes dénichées au hasard, les dernières heures de personnes ensevelies. Dix nouvelles qui ont surgi à partir du pouvoir d'évocation d'épitaphes authentiques: dix destins dont on connaît la fin douce ou violente, avant même de commencer l'histoire. On traverse les siècles, et l'on réalise que l'humanité, immuable comme la pierre, n'a pas changé: mêmes peurs, mêmes passions, même amour. Une plume pour conjurer l'oubli.